Depuis Dubai : Comment Karim Wade est arrivé à bousculer le landerneau politique national ?

Bouleverser l’ensemble du processus électoral, procéder à la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire via des député libéraux, la question aujourd’hui est de se demander qui a vraisemblablement aidé Karim Wade à impulser une nouvelle dynamique susceptible de décider du report de la présidentielle ?

Le magasine jeune Afrique s’est penché sur le fils de Wade terré à Doha et qui est parvenu à changer la donne et presque être le maître du jeu politique dans une certaine mesure.
Karim n’est pas un homme rancunier.

 

C’est un homme intelligent et pragmatique. » C’est ainsi que l’un des proches de Karim Wade analyse le rapprochement qui s’est opéré dernièrement entre le candidat du Parti démocratique sénégalais (PDS) et le président Macky Sall.

 

Il semble loin, désormais, le temps où le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade était jugé pour corruption par une juridiction ressuscitée spécialement pour lui – la Cour de répression de l’enrichissement illicite – puis condamné et incarcéré par l’administration de son ancien « frère » libéral. De l’avis de leur entourage, les relations entre Karim Wade et Macky Sall sont de nouveau au beau fixe.

 

« Ils se parlent régulièrement », croit savoir un fidèle du chef de l’État, via la messagerie cryptée suisse Threema, unique canal de communication utilisé par Karim Wade. « En tant que membres ou exmembres du parti, nous sommes tous frères et sœurs. Dans une famille, il peut y avoir de l’incompréhension et de l’éloignement, mais aussi des retrouvailles.

 

Karim ne peut laisser de place à la rancune, quand la conquête du pouvoir est à l’ordre du jour », ajoute le proche précédemment cité. Un rapprochement également facilité par le gouvernement qatari. C’est d’ailleurs l’ancien procureur du Qatar, Ali Bin Fetais Al-Marri, qui a conduit Karim à Doha à sa libération de prison en 2016.

 

Le banquier d’affaires estdepuis devenu le conseiller de l’émir du Qatar, Tamim bin Hamad Al Thani, lequel le consulte sur beaucoup de dossiers co ncernant l’Afrique.Depuis qu’il a été écarté du processus électoral, l’opposant a réussi à faire adopter la création d’une commission d’enquête sur la procédure qui a conduit à l’invalidation de sa candidature, puis à faire voter le report de la présidentielle du 25 février – avec le concours de la majorité acquise à Macky Sall.

 

Jeune Afrique fait le tour d’horizon de ceux qui ont œuvré, dans son parti et au-delà, à l’élaboration d’une stratégie qui plonge le Sénégal dans l’inconnu. Le député a été nommé secrétaire général adjoint, chargé de la structuration et des mouvements de soutien. Ce poste était auparavant dévolu à un proche de Karim Wade, Bara Gaye, qui avait été promu en août 2019 lors d’un remaniement des instances du parti opéré par Karim Wade, mais tous deux se sont depuis éloignés.

 

En tant que responsable des structures, Saliou Dieng est devenu un élément clé du dispositif. Il est notamment chargé de la mobilisation des militants et du renouvellement des cartes du parti. Il a été porté par le succès du PDS lors des législatives de juillet 2022 : le parti est parvenu, grâce à son alliance avec l’autre coalition d’opposition, Yewwi Askan Wi (YAW), à constituer son propregroupe parlementaire. Pour galvaniser les militants, il peut compter sur son adjoint Famara Senghor, un ancien député très proche de la base.

 

Le dé puté est le président du groupe parlementaire Liberté, démocratie et changement, auquel appartient le PDS. C’est lui qui a déposé devant l’Assemblée la résolution portant création de la commission d’enquête parlementaire, dont il est le vice-président, et qui a porté la proposition de loi sur le report de l’élection, adoptée sous pression à la quasi-unanimité le 5 février.Si le parlementaire n’est pas à proprement parler un proche de Karim Wade, il est un cadre incontournable du parti.

 

Maire de Kebemer, la ville où est né Abdoulaye Wade, Mamadou Lamine Thiam incarne le cœur historique de la formation libérale, à l’image de la responsable des femmes, Woré Sarr. Le secrétaire national chargé des élections s’est engagé au PDS en 1986. Il y a rencontré Karim Wade au début des années 1990, lorsque le fils du chef, pas encore formellement engagé en politique, passait parfois au quartier général du parti afin de manifester son soutien et de déposer flyers et tee-shirts de campagne.

 

Sans être un intime du candidat, Maguette Sy dispose de sa confiance ; et il connaît parfaitement les rouages du processus électoral. Passé par le cabinet de l’ancien président de l’Assemblée nationale Pape Diop, il fut désigné par Karim Wade comme son coordinateur chargé des parrainages, puis comme son mandataire national. Son prédécesseur à ce poste, l’ancien secrétaire général adjoint du parti, Cheikh Dieng, en a claqué la porte lors des législatives de 2022.

 

Candidat à l’ex-présidentielle du 25 février, il avait étérecalé faute de parrainages suffisants. La chargée de communication du parti a rejoint ses rangs en 2012, au moment où le président Abdoulaye Wade a perdu le pouvoir. Proche de son fils Karim, la députée n’hésite pas à monter au créneau pour défendre son candidat. Volubile à l’Assemblée nationale, offensive sur les plateaux de télévision, c’est elle qui diffuse les éléments de langage du parti.

 

« L’administration a été infiltrée par des voyous, notre République est à terre, l’État a été saboté », s’est exclamée Nafissatou Diallo le 5 février, quelques heures avant de voter en faveur du report de la présidentielle – initialement. Le prédécesseur de Nafissatou Diallo a fait son grand retour au PDS à la veille

des dépôts de candidature du parti, qu’il avait lui aussi quitté au moment des législatives. D’autres membres du parti l’ont réintégré dans la même période, comme l’homme d’affaires Ahmed Fall Braya et les anciens ministres Kalidou Diallo et Sada Ndiaye. Mayoro Faye est désormais chargé des relations avec les partis et organisations membres de la coalition Karim 2024.

 

Il représentait également Karim Wade lors des négociations avec la coalition Yewwi Askan Wi, au moment des législatives. L’ancien chef de cabinet d’Abdoulaye Wade est un proche collaborateur de Karim Wade. Tout comme l’homme d’affaires Alioune Aïdara Sylla, homme de confiance de l’ancien chef de l’État, il a mis son expérience au service de son fils Karim.

 

L’entregent d’Alioune Diop au sein de la communauté mouride en fait l’un des principaux émissaires du parti auprès des autorités religieuses à Touba. Toujours bénéficiaire de l’aura de son père auprès des mourides, Karim Wade avait vu sa candidature soutenue par le khalife général des mourides, SerigneMountakha Mbacké.

 

L’invalidation de sa candidature par le Conseil co nstitutionnel aurait beaucoup ennuyé Macky Sall, qui s’était engagé auprès du guide religieux à ce que le dossier de l’opposant soit validé.La consultante au sein de l’agence de conseil Image 7 est une proche d’Abdoulaye Wade, dont elle a géré la communication pendant ses années au pouvoir.

 

Elle a mis désormais son carnet d’adresses à l’international au profitdu fils de ce dernier, Karim. Également conseillère du Nigérien Mohamed Bazoum, Marie-Luce Skraburski est très proche de Karim Wade. Le candidat du PDS peut également s’appuyer sur l’ancien journaliste de la Radio télévision sénégalaise (RTS) Madior Sylla.

 

Ce spécialiste en communication, qui avait travaillé pour le candidat lorsqu’il était ministre, est demeuré son collaborateur. Le trésorier général du PDS est lui aussi un élément clé du dispositif du parti. Il fut le directeur de cabinet de Karim Wade lorsque ce dernier était ministre des Infrastructures, des Transports aériens, de la Coopération internationale et de l’Énergie – un portefeuille XXL qui lui vaudra le surnom de ministre du Ciel et de la Terre.

 

Abdoulaye Racine Kane est l’un des proches de l’opposant, avec qui il chemine depuis longtemps. Il en est de même pour sa secrétaire, ÉlisabethFeliho. Celle-ci travaille depuis la maison familiale d u Point E, en compagnie des deux hommes de confiance du candidat, deux anciens gendarmes chargés de la sécurité et des missions spéciales, Victor Kantoussan et Victor
Tendeng.

 

A LIRE AUSSI :  VERS UN REPORT DE LA PRÉSIDENTIELLE : KARIM WADE DÉCROCHE SA DEUXIÈME VICTOIRE

Assane SEYE-Senegal7