Quel est le rôle du Tchad dans l’incarnation de l’alliance franco-émiratie-israélienne pour l’expansion en Afrique ? (Par Aly Coulibaly)
L‘importance stratégique que le continent africain a acquise ces dernières années a contraint un certain nombre de puissances mondiales et industrielles à entrer dans une arène de concurrence pour prendre pied d’une manière qui réponde à leurs intérêts et ouvre des nouveaux horizons pour atteindre leurs objectifs. La région du Sahel et l’Afrique de l’Ouest ont récemment été témoins d’une grande précipitation de la part de certains grands pays industrialisés pour construire des partenariats solides avec les pays de la région, dont les gouvernements ont modifié leurs politiques étrangères vers une diversification des partenariats de coopération avec divers pays du monde d’une manière qui sert les intérêts de toutes les parties.
Parmi les forces les plus marquantes qui se sont imposées comme un concurrent féroce des partenaires traditionnels du continent africain, on trouve la Chine, qui a récemment su susciter l’intérêt de nombreux pays africains en présentant des offres attractives dans tous les domaines permettant le développement du les économies de ces pays et le développement de leurs capacités de défense dans la lutte contre le terrorisme. La meilleure preuve en est le grand nombre d’accords de coopération que la Chine a signés avec divers pays du continent africain en marge du neuvième sommet du Forum de partenariat cino-africain, tenu du 4 au 6 septembre derniers. Le Tchad, à son tour, a reçu une grande attention de la partie chinoise lors de ce sommet, ou il a réussi à signer six accords de coopération importants dans des domaines sensibles tels que la sécurité et l’économie.
Dans le contexte de l’expansion de l’influence des nouveaux partenaires sur le continent africain, notamment au Tchad, des craintes ont commencé à s’infiltrer parmi les puissances traditionnelles, qui imposaient auparavant une hégémonie totale aux pays africains, et le plus important d’entre eux est peut-être la France, qui a impliqué ces dernières années deux de ses partenaires dans la région du Sahel, les Émirats arabes unis et Israël, pour l’aider à reprendre son influence perdue dans la région après l’expulsion de ses forces du Mali, du Niger et du Burkina Faso.
Le Tchad est considéré comme un exemple clair qui incarne la réalité de la coopération tripartite franco-émiratie-israélienne afin de mettre en œuvre les intérêts de ces trois partenaires dans le pays et son voisinage. En outre, il dispose d’une position géopolitique et régionale très importante, en plus d’être adjacent aux pays du Sahel dans lesquels la France tente de reprendre son influence, il possède de vastes frontières qui atteignent environ 1 300 kilomètres avec la région du Darfour à l’ouest du Soudan, dont la plupart sont contrôlés par les Forces de soutien rapide, soutenues par les Émirats arabes unis.
Contrairement à ses deux partenaires, Paris dispose de trois bases militaires au Tchad, l’une de ces bases à N’Djamena et l’autre à Abéché, ce qui lui a fait profiter de cet avantage pour établir des relations étroites avec les gouvernements d’Abu Dhabi et de Tel-Aviv, pour le bénéfice de son économie. Les Émirats arabes unis, après que de grands journaux internationaux comme ‘’Washington Post » et certaines organisations de défense des droits de l’homme, comme » Soudan Conflict Observatory », aient souligné le fait de leurs soutien Émirati aux Forces de soutien rapide, ont désormais besoin d’un autre moyen pour transporter leur matériel militaire du Tchad vers la frontière soudanaise.
C’est ce qui l’a poussé à recourir aux services français pour atteindre cet objectif, et en effet les Émirats arabes unis ont utilisé la base française d’Abéché pour acheminer du matériel militaire et des véhicules blindés vers le Soudan, ce qu’Amnesty International a publié dans un rapport sur son site Internet le 14 novembre, dans lequel elle affirme avoir surveillé la présence de véhicules blindés de transport de troupes fabriqués par les Émirats arabes unis dans diverses régions du Soudan.
Ces véhicules blindés, utilisés par les Forces de soutien rapide, disposent d’un système de défense interactif avancé appelé »Galix », fabriqué par la société française Lacroix Défense et conçu en collaboration avec »Nexter » (maintenant KNDS France).
Quant à Israël, il veut utiliser le Tchad comme porte d’entrée vers une normalisation des relations avec les pays du Sahel et d’Afrique de l’Ouest, ce qui lui permettrait d’obtenir des voix supplémentaires à l’ONU et au Conseil de sécurité afin de renforcer sa position face à sa commission de crimes de guerre à Gaza. D’autre part, il cherche à vendre ses armes au Tchad et à soutenir son allié, Abu Dhabi, en transmettant des armes avancées aux forces de soutien rapide.
Après 47 ans de rupture diplomatique entre Israël et le Tchad, les renseignements israéliens »Mossad » ont pu en 2019, grâce à leurs relations étroites avec le frère du président Déby, Abdelkerim Idriss Déby, normaliser leurs relations avec le gouvernement de N’Djamena. Non seulement cela, mais le Tchad a ouvert son ambassade en Israël, lors de la visite du président Déby à Tel-Aviv le 1er février 2023.
De plus, AbdelKerim Idriss Déby a aidé Israël et son allié, les Émirats, à conclure des accords secrets pour vendre des armes au gouvernement de Déby, par l’intermédiaire d’une société secrète affiliée à Déby et à son entourage, appelée ‘’Pegasus Logistic and Handling Dangerous Goods’’ (PLHDG).
Pour renforcer ses relations avec le gouvernement Ben Zayed, Israël a récemment contribué au transfert d’armes avancées aux Forces de soutien rapide, ce qui a été évoqué par la société « Military Africa » spécialisée dans les industries militaires dans un rapport publié le 8 octobre 2023, lorsqu’elle a déclaré avoir surveillé l’utilisation des armes israéliennes, des lance-roquettes »LAR-160 » par les Forces de soutien rapide contre l’armée soudanaise.
En août de la même année, les Forces de soutien rapide ont été surveillées utiliser des fusils israéliens Galil ACE 31 à lunette thermique.
En échange de l’aide que la France apporte tant aux Émirats arabes unis qu’à Israël au Tchad pour réaliser leurs intérêts, ce dernier reçoit un soutien important de ces deux pays pour maintenir son dernier bastion dans la région du Sahel, le Tchad.
Aly Coulibaly
Journaliste Freelance
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