C‘est l’épilogue d’un abus de droit sans que cela signifie la fin des dérives qui l’ont permis.
Je m’adresse à toi, Moustapha Diakhaté, le coeur lourd, honteux de ce qu’il est advenu de notre cher pays. En le faisant, mitigés, ma plume et mon clavier n’éprouvent aucune gaîté bien que sachant que, dans deux semairnes, tu vas humer l’air libre.
Tu vas retrouver ta place dans la société que tu n’aurais jamais dû perdre du fait de la raison qui t’en avait privée. Tu auras passé un séjour de deux mois en prison où tu as été jeté pour avoir traité le peuple Sénégalais d’être « damné », alkou en langue wolof, parce que, selon ton analyse, opinion à laquelle tu as totalement droit, il faut l’être pour se choisir les dirigeants qui sont ceux auxquels il a confié son destin actuellement.
Je t’écris, de loin, cette lettre, depuis une capitale Européenne, moins en raison d’une amitié qui n’a jamais existé entre nous deux même si notre appartenance commune à la famille mouride et les liens qui nous y unissent peuvent être un socle de rapprochement.
Autant quand tu fus l’un des soutiens du régime, au pouvoir, d’Abdoulaye Wade, à travers ton mouvement « Wathiook Alternance », qui me faisait rire, que pendant ton zélé compagnonnage avec Macky Sall et son épouse, avec des avantages matériels dignes d’être audités qui en ont découlés, je me suis tenu hors de ta trajectoire.
C’est par le destin que je te rencontre à la cave du tribunal le 25 Novembre dernier où l’un et l’autre, sous la dictature rampante d’un Etat perdu dans ses proclamées valeurs, nous nous étions retrouvés, sous le joug d’une sécuritate Djolofienne, émergente, de triste mémoire réminiscente de celle de la Roumanie Ceauscescuenne, au moyen de sa justice et sa sécurité aux ordres et immorales.
Que le déclic se soit produit aussitôt n’était pas une mauvaise chose car il confirmait qu’en dépit de nos désaccords conceptuels, les plages de convergences pouvaient bel et bien exister. Pendant plus de huit-heures, nous avions pu ainsi converser en roue libre sur divers sujets. Et d’abord du Sénégal.
L’ambiance fut bon enfant. Et surtout, avec la participation de trois de nos avocats, Maîtres Seydou Diagne, Amadou Sall et El Hadj Diouf, ce fut un moment de décompression bien que nous sachions que nos libertés étaient en pointillés, en crayons gommables: nous attendions dans cette glauque salle des pas perdus de la cave, lugubre, du tribunal, le verdict du procureur concernant l’issue de nos deux cas respectifs.
Je me trouvais en ces lieux après 72 heures de garde à vue, illégale, pour avoir affirmé que la mort à Paris du ministre Mamadou Moustapha Bâ était plus que suspecte, reprenant la thèse écrite du même maître des poursuites…
Au cours de nos échanges, j’ai vu, ce jour-là, un homme entier, altier, arc-bouté sur ses postures et déterminé à ne pas s’en laisser conter.
Vers 17 heures, lorsque le substitut du procureur est venu te donner la nouvelle qu’il te placait en mandat de dépôt, en détention, qui sera suivi d’un procès où tu fus condamné pour 2 mois de prison ferme, l’image que j’eus de toi fut celle d’un homme abattu moins par le verdict que par un profond sentiment de subir une injustice, d’une décision judiciaire à connotation politique, hors des arcanes du droit…
Alors que peu après on me signifia que j’avais droit à une liberté provisoire avant cependant de faire face au juge, une semaine plus tard, dans un procès public que je gagnais haut la main, mon réflexe instinctuel ne fut pas de satisfaction mais d’une colère rentrée.
Je ne pouvais pas comprendre que, malgré ton état de santé que je devinais, âge oblige, te contraignant à demander à ta famille qui était venue te rendre visite, de te donner tes médicaments, qu’on ne t’ait pas donné la possibilité d’un procès en étant libre.
Tout ceci n’est maintenant que de la préhistoire. L’histoire devra s’écrire. La justice, dira-t-elle, a encore failli. Elle s’est réinscrite dans sa dynamique toxique qui l’a rendue si répugnante ces dernières années, en devenant partialle, mercenaire, vendue et prête à toutes les compromissions, sans se soucier de voir son image balafrée, sa réputation ternie et son rôle dans la société dénié.
Deux mois de prison tandis que vaqyent à leur aise dans les rues et espaces aériens du Sénégal, à leur guise, des coupables, appelant à l’usage des armes blanches pour solder des litiges politiques, d’autres ayant vidé, sous le régime de Macky Sall, boucher de Dakar, les caisses du pays et tué aveuglément d’innocents citoyens, mais aussi des corrompus dont certains sont nés soius l’aile vermoulue du pouvoir actuel.
Je n’ai pas partagé tes opinions fracassantes, Moustapha. Surtout quand elles s’en prennent à des valeurs immatérielles, autour de la religion ou de figures fondamentales comme celle de notre Prophète en islam.
J’ai même peur que, ne jouant pas de stratégie, trop sûr de ton fait, comme si tu te sentais couvert par un pouvoir révolu, tu peux te permettre de n’en faire qu’à ta tête là où sachant que la bête immonde ne cherche qu’à te ferrer. J’ai choisi de m’extirper de ses griffes pour mieux la combattre, en me mettant en lieu sûr pour l’expression de ma liberté d’expression et d’aller et de venir, librement. Je t’ai même suggéré de donner des arguments devant le tribunal quand je te vis, fâché par l’issue injuste, te braquer au point de menacer de ne pas expliquer à la justice ce que signifie en wolof le terme alku qui te valait ta détention. Souviens-toi, je suis allé plus loin en te recommandant des prières pour sortir du guépier dans lequel tu te trouvais contre toute logique légale…Je le fis parce que je savais que la rationalité n’était pas dans l’esprit de nos ravisseurs.
L’histoire racontera demain, plus tard, que tu as été, toi aussi, l’otage d’un Etat, et, en plus grave, dans ton cas, celui d’un Etat qui s’est engagé à restaurer les normes de bonne gouvernance judiciaire.
Comme toi, je suis hélas convaincu qu’à vaincre sans péril, selon l’expression du poète, on triomphe sans gloire. En d’autres termes, comment peut-on se glorifier d’une victoire face à une justice qui s’est platement compromise dans une mer de renoncements à ses principes centraux, à ses normes supérieurs, à son jus cogens?
Quand tu retrouveras la liberté, tu risques d’en vouloir à un pays qui est resté blasé, comme s’il en avait assez des forces encore debout, ou déterminées, à continuer un combat pour les libertés individuelles et publiques. A quoi bon se battre, te diront même des voix affectant une sagesse hypocrite?
Pour ma part, je veux te dire ceci: tes jours de détention ne seront pas vains. Les vrais vaincus sont tes geôliers. Du sommet du pouvoir aux couloirs lugubres d’un Etat profond cannibalisé, leur sentiment de supériorité n’est que feint, illégitime, assis sur l’usage injuste des moyens publics détournés de leurs missions en trahison du Pacte social Hobbésien, au nom de la préservation d’un ordre social que leurs actes illégaux ont totalement défiguré.
Je te souhaite, Cher Moustapha Diakhaté, de revenir dignement dans la société Sénégalaise sans perdre ton appétit pour tes valeurs.
Le reste, cette dictature aux petits pieds, finira comme toutes les tyrannies: dans la poubelle de l’histoire. A bon entendeur, Diomaye, Sonko, Procureur Ndoye, Ousmane Diagne et le peuple, passif, apathique, complice de cette autocratie en téléchargement.. Quiconque a été heureux de la détention de Moustapha Diakhaté s’est fait le relais de la descente aux enfers de l’Etat de droit et devrait, s’il lui reste une once de dignité, juges et politiques en tête, en avoir honte.
Hélas, la vergogne a pris des vacances interminables dans ce Sénégal qui se meurt, moralement et économiquement, sans coup férir.
Que Dieu le sauve !
Adama Gaye est un acteur politique Sénégalais.
Senegal7
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