Soudan : Fasher amoncelle les cadavres et alimente le discours racial

C’est une histoire saisissante, celle qu’explique un employé du Croissant-Rouge soudanais, section du Nord-Darfour, emmené à découvrir le site humanitaire à la périphérie de Fasher. « Le hasard m’a conduit sur ce site. J’y ai trouvé un accueil exemplaire de la part des équipes de la coalition Tassis chargées d’aider les civils déplacés. Ils nous ont orientés vers des itinéraires sûrs jusqu’à un centre d’accueil parfaitement organisé », a témoigné Mohamedine Ibrahim Mohamed Qamar affirmant que le camp « ne présente aucun caractère militaire ».

Dans la foulée, il ajoute : « J’y séjourne depuis deux jours, je n’ai constaté aucune menace, ni le jour ni la nuit. Les agents armés n’interviennent que pour des tâches de régulation, comme la distribution des repas ».
Sur la page Facebook du Collectif des ingénieurs soudanais, des images diffusées montrent femmes, enfants et vieillards recevant des vivres d’urgence après avoir fui les combats de Fasher.

Une assistance sous tension

A noter que ces aides humanitaires avaient été promises par le gouvernement de l’État du Darfour, rattaché à la coalition Tassis, qui affirme « assumer pleinement sa responsabilité nationale et humanitaire dans la protection des civils et la sauvegarde de leur dignité ».

Le gouvernement régional, dans un communiqué rendu public, dit coordonner ses efforts avec les autorités locales, les chefs coutumiers et la police fédérale. Ce, assure-t-il, pour « garantir la sécurité des populations et prévenir toute violation des droits humains ».

Mais le document relate tristement une « détérioration rapide de la situation humanitaire » à Fasher, marquée par une pénurie aiguë de vivres, de médicaments et d’eau potable, conséquence directe des hostilités et du blocage des convois d’aide.

Les campagnes médiatiques contradictoires n’aident pas non plus à la compréhension de la situation. Là où certaines vidéos relayées sur les réseaux sociaux dénoncent des attaques contre des civils à Fasher, d’autres par contre, montrent des soldats de l’armée régulière et des miliciens islamistes exécutant des habitants de la ville d’El-Obeid, dans le Nord-Kordofan, accusés de soutenir la coalition Tassis.

Appels extérieurs et rhétorique de la haine

Si la bataille des armes est féroce, celle de la communication n’en demeure pas moins au regard des communiqués des différentes factions. Certains acteurs cherchent à internationaliser le conflit, d’autres à l’enflammer par des discours teintés de haine.

La déclaration de Minni Arko Minnawi, chef du Mouvement de libération du Soudan et allié du général Abdel Fattah al-Burhan est assez illustrative dans ce sens. Reconnaissant des « erreurs et défaillances » ayant conduit à la perte de Fasher, Minnawi a appelé à une « mobilisation nationale et extérieure pour protéger le pays ».
Une formule qui suscite de vives interrogations : s’agit-il d’un appel à l’ingérence étrangère ?

Pour sa part, l’activiste Ghazzi Adam Moussa s’est fendu d’une publication sur la plateforme X :

« La libération de Fasher et l’effondrement des forces de Minnawi marquent la fin du plus grand danger pour la stabilité du Soudan. Minnawi, mercenaire de carrière, vend ses troupes au plus offrant. Les islamistes et leurs milices ne tiendront plus longtemps. »

Vers un discours de guerre ouverte

Après une déclaration du vice-président soudanais Malik Agar, le climat s’est encore tendu.

« Entre nous et eux, des montagnes de cadavres, des rivières de haine et de sang, des cris et une vengeance sans fin », a-t-il notamment lâché.

Selon l’activiste Bashir Sakin, cette déclaration équivaut à « un appel officiel à la guerre civile ».
Et d’exprimer son courroux sur X.

« Quand le numéro deux du gouvernement tient de tels propos, ce n’est pas la colère d’un poète ni la ferveur d’un soldat, mais la voix d’un responsable d’État qui glorifie la mort en vers », a-t-il fait savoir. Non sans dénoncer l’hypocrisie d’un pouvoir « qui prétend incarner la légalité et la morale » tout en « légitimant la haine ».
Très en verve, il comparer :

« Face à ce discours sanguinaire de Port-Soudan, les responsables de Tassis continuent d’adopter un ton mesuré, refusant de tomber dans le piège de la haine ethnique. Comment exiger de la victime qu’elle reste polie quand le bourreau chante la mort ? »

Réplique du camp Tassis

C’est à travers une déclaration au ton maîtrisé que le Dr Alaa Eddine Awad Naqd, porte-parole de la coalition Tassis, a dénoncé une campagne de désinformation orchestrée par « les réseaux islamistes et leurs mercenaires ».

Selon lui, « d nombreuses vidéos diffusées en ligne sont des montages produits par la propagande islamiste. Les forces de Tassis ont évacué près de 800 000 civils de Fasher vers des zones sécurisées — il est illogique de les accuser aujourd’hui de violences contre ces mêmes civils ».

Il accuse par ailleurs les partisans de l’ancien régime d’« instrumentaliser la guerre pour la transformer en conflit ethnique ou religieux », affirmant que cette stratégie « a échoué ».

Il conclut en laissant entendre : « Les Soudanais ne se battront plus les uns contre les autres pour des raisons tribales ou confessionnelles. Cette guerre sera la dernière : celle qui arrachera le Soudan au joug des Frères musulmans et de leur armée parallèle ».

Naqd a réaffirmé la volonté de Tassis de « poursuivre la libération du pays de l’extrémisme islamiste », tout en gardant « la main tendue vers une paix juste qui préserve l’unité, la dignité et la liberté du peuple soudanais ».

Senegal7

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