Dès qu’il a été porté sur les fonds baptismaux, l’Alliance pour la République n’appartient plus théoriquement à son propriétaire. Car, au départ, les idéaux de justice, d’égalité et d’équité étaient partagés par tous ou presque pour galvaniser les forces en présence et encourager de fait les têtes de pont à l’exercice de la conquête démocratique du pouvoir. Mais une fois au pouvoir, les règles changent, les hommes changent et les contextes aussi. Voici en substance ce qui a surtout perdu les frondeurs apèristes qui ne comprennent pas qu’en politique, la question de la trahison est une question de temps.
Ceux qui ont appris Science Po savent en âme et conscience que la plupart de nos hommes politiques s’inspirent du prince de Machiavel pour avoir une idée de la façon très docte de gouverner. Alliant à la fois ruse, force et justesse, il s’agira bien pour ces derniers de tenir d’une main de maître la dragée haute pour être balèze. Désormais, la complicité tacite qui liait les compagnons de fortune lors de la traversée du désert se défait au profit d’une nouvelle donne. Celle des nouveaux venus pour ne pas parler de « transhumants »qui ont tenté de couler le « bateau » dans lequel les circonstances leur dictent désormais de monter à bord. Non seulement, ils seront bien accueillis, mais aussi ils auront rapidement une mission à remplir. Celle de servir de tampon entre le Chef aux commandes et ses anciens compagnons de lutte qui, pris d’une soudaine frénésie, veulent être plus royaux que le Roi. Comble du destin. En politique, la question de la trahison devient de fait une question de temps. En effet, les anciens compagnons de lutte en savent trop et ont une capacité de nuisance telle qu’il urge de les écarter du « centre névralgique » du pouvoir, et les laisser à la périphérie afin qu’ils ne puissent plus avoir une mage de manœuvre, qui leur permette de torpiller les plans du Chef. C’est ce qu’on appelle le Realpolitik. Les nouveaux venus ou « transhumants » à qui beaucoup de choses échappent s’installeront avec beaucoup de zèle et de respect et n’auront d’yeux que pour le Chef. Adversaires invétérés hier, aujourd’hui, ils apparaissent comme des boucliers inamovibles. Les cris d’orfraie tenteront de percer les tympans des témoins de l’histoire mais rien n’y ferait. Menaces de déballages, vociférations, chantages tous azimuts, etc. Tout y devient sans que rien y soit. En politique, dit-on souvent, la question de la trahison est une question de temps. Au demeurant, la bourde machiavélique dont il est question ici, c’est de se demander qui trahit l’autre entre le Chef soucieux de la stabilité de son pouvoir et ses anciens compagnons de lutte en quête de légitimité vidée de sa substance. Difficile de trancher cette question !
Assane SEYE-Senegal7
