Le général Mansour Niang, expert en sécurité : «Le sénégalais ne sait pas dire la vérité»

Ouvrez le ban ! Mansour Niang, le Général de brigade, monte sur ses grands chevaux pour mettre ses deux gros pieds dans la fourmilière sénégalaise. Rendez-vous avait été pris à 12 heures tapantes devant l’immeuble Élimane Ndour. Ce gradé de l’Armée, expert en sécurité, ancien Directeur de l’administration pénitentiaire (Dpa), est déjà là debout comme un piquet, tiré à quatre épingles, ensemble costume bleu, chemise blanche, cravate bleu-ciel, le Général serre des pinces avec vigueur, taquine le cousinage à plaisanterie. On l’avertit qu’on n’a pas d’ascenseur, qu’il va falloir suer. «Je continue à faire du sport», souffle-t-il, tout sourire. Mais, quand il s’assoit enfin, le Général est une boule de feu qui s’embrase, dès que les règles, les codes sont bafoués. Dans cet entretien, il parle de l’insécurité routière et des dangers qu’il peut engendrer sur les usagers de la route, les meurtres au Sénégal, la peine de mort, etc. Fermez le ban ! Le Général ne faisait que passer.

 

Un climat d’insécurité semble s’installer sur Dakar, partagez-vous ce constat ?

Tout le monde l’a vu, tout le monde le sent, il y a un problème d’insécurité et c’est lié à tous les pays en voie de développement. Puisque le nombre de forces qu’il suffirait pour créer une atmosphère de sécurité de taille ne pouvant pas être réalisé. Mais, je suis plus sensible à l’insécurité que génère la circulation routière au quotidien, à chaque instant, sur les piétons, les automobilistes, les motocyclistes, les charretiers ; tous au quotidien et instantanément, utilisent la chaussée, dans la circulation. Cette insécurité est la plus sérieuse, par rapport au nombre de morts, aux dégâts matériels, ainsi que toutes sortes d’autres considérations. C’est dire que la circulation routière est la première cause d’insécurité au Sénégal.

Il y a eu beaucoup de morts, cette année, lors du Magal de Touba, quelles mesures préconiseriez-vous pour éviter ces drames sur les routes ? 

Pour éviter les morts, il faut que les gens respectent les prescriptions du code de la route. Le code de la route est fait de façon parfaite. Malheureusement, au Sénégal, personne ne le respecte. La majeure partie des accidents est due au fait que le code de la route n’a pas été respecté. C’est quoi ? C’est quelqu’un qui prend un verre de trop, quelqu’un qui est manifestement fatigué qui prend la route, c’est quelqu’un qui est en excès de vitesse…. Cela occasionne souvent des accidents extrêmement graves. C’est là qu’il faut agir. Maintenant, comment faire pour faire respecter le code de la route aux Sénégalais ? Cela relève de la tâche de tout le monde. Il faut savoir sanctionner sévèrement les fautes liées à la circulation. Si on ne le fait pas, on dérape, on laisse faire et on arrive à des situations déplorables. Je pense qu’il faut qu’on mette l’accent sur la sensibilisation. Parce que certains ne savent même pas ce qu’est un rond-point. En France, vous empiétez la ligne continue, vous payez 100 000 FCfa. Il ne faut pas accepter que les interdits soient bafoués au quotidien et sans sanction. C’est pour protéger les gens qu’on sanctionne.

On a vu récemment le cas de ce taximan abattu par balle, comment faire pour éviter ce genre de drame ?

Les taximen s’en foutent royalement et ils sont énervants. Si on n’y prend garde, on risque de les tuer en grand nombre. Puisqu’ils sont arrogants, mal élevés et ne respectent rien dans la circulation.

Ce ne sont pas tous les taximen, mon Général ?

J’ai tort de dire tous les taximen, mais l’essentiel. Il y a un taximan que j’aime bien, Cheikh Ndiaye Teranga qui est un grand taximan, pour qui, le code de la route n’a pas de secret. Voilà, un exemple de taximan qu’il faut respecter. Mais les autres qui se moquent de la circulation et qui, après, vous font un bras d’honneur en passant, ils énervent. C’est pourquoi je dis que la circulation est une cause d’insécurité. Parce que ce monsieur, il peut vous fâcher, vous vous fâchez, il se fâche, vous vous bagarrez et quelqu’un en meurt. Il n’y a pas une infraction qui soit bénigne, toutes les infractions sont importantes. Le clignotant qu’on oublie de mettre peut provoquer facilement mort d’homme et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Il n’y a pas que les taximen, il y a les Ndiaga Ndiaye, les clandos, les motocyclistes, les charretiers, les particuliers, c’est tout le monde. Nous sommes tous concernés et il faut sensibiliser, pour dire Basta.

«Nous Sénégalais, ne savons pas dire la vérité»

N’est-ce pas, quelque part, la société qui est malade ?

C’est la société qui refuse le développement. On a un état d’âme fait de tromperie, d’esbroufe (Nahnako, todj na bopp bi), cette mentalité de fraudeurs. Aujourd’hui, dès que vous dites la vérité à un policier ou un gendarme qui fait une enquête, on vous traite de fou. Nous sommes régis par le code napoléonien dont le principe est de dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité. Alors que nous autres Sénégalais, ne savons pas dire la vérité. C’est en nous. Il nous faut changer de comportement. Nous devons savoir respecter les règles.

Qu’est-ce qui explique aussi la complaisance de certains éléments des forces de l’ordre qui laissent passer des véhicules surchargés, des gens juchés sur les toits, voyageant ainsi, lors des grands événements ?

Le gendarme ou le policier, il en a assez aussi d’arrêter un Ablaye Ndiaye qui n’a aucun moyen de se défendre. Qui va lui payer son infraction ? Quand il arrête un Mansour Niang, qui appelle quelqu’un d’important et s’en tire. Après, les gens en ont assez, en ont marre. Le respect des prescriptions du code de la route concerne tout le monde. Si les prescriptions sont respectées, le gendarme n’a pas besoin d’interpeller le Ndiaga Ndiaye qui a du monde sur son toit. Est-ce compréhensible dans un pays où il y a eu le drame du Joola. Comment on peut laisser un véhicule transporter du monde sur le toit ? Ce n’est pas lié au gendarme, ni au policier. Puisque lui-même peut avoir des problèmes avec son chef, parce que le gars va à Touba. Quand les gens vont au Magal, tout est permis. Et je suis sûr que le Khalife général des mourides n’est pas d’accord. Mais tout le monde pense qu’il faut laisser faire. Les conséquences sont dramatiques.

Au Sénégal, force est de constater qu’il y a des crimes, les uns plus odieux que les autres. Dernièrement, le meurtre de Fatoumata Makhtar Ndiaye… vous sentez-vous en sécurité ?

Le fait criminel, il faut l’étudier avec beaucoup de recul. Ce qui s’est passé, pour ce que j’en sais, n’est pas un acte prémédité, préparé. Parce que quand quelqu’un veut obtenir quelque chose, il ne l’obtient pas, il fait une réaction qui entraîne mort d’homme, on ne peut pas dire que c’est prémédité. Par contre, quand on prépare un coup et qu’on dit : cette personne, si elle arrive à tel endroit, on va la tuer, c’est ça qui est inquiétant. Mais tout le monde peut être criminel. Vous pouvez cogner quelqu’un à la sortie et malheureusement, lui cassez la tête, on vous arrête pour homicide involontaire. Il faut savoir raison garder, je ne pense pas que ces faits-là font que la société sénégalaise est une société criminogène. Nous pouvons faire des actes pouvant entraîner la mort de quelqu’un, sans être des criminels. On est très loin d’une société criminogène. Il faut avoir du recul par rapport aux événements et les analyser de façon lucide. Mais si on se laisse gagner par les sentiments, avec la presse qui multiplie tout par mille…

«Je suis pour la peine de mort, elle est dissuasive»

 

Aujourd’hui beaucoup agitent l’idée de la peine de mort, êtes-vous pour son application ?

(Affirmatif) Oui je suis pour la peine de mort.

Pourquoi ?

J’ai visité les prisons américaines où les gens attendaient la mort. J’y ai vu des gens qui ne méritaient pas de revenir dans la société, il fallait les exterminer. Les faire passer de vie à trépas. Il y a des gens qui manifestement, ne peuvent vivre en société. Ils sont d’une violence inouïe. Alors, au lieu de les garder en prison, que l’Etat paie cher pour les entretenir, autant les faire passer à la chaise électrique et on n’en parle plus. Il y a des gens qui ne méritent pas de vivre. Je sais que dans les Etats où la peine de mort est appliquée aux États-Unis, il n’y a pas eu augmentation de la criminalité violente. La peine de mort est, tout de même, est assez dissuasive.

On assiste aux prolongations de la mutinerie de Rebeuss, deux détenus étqnt en grève de la faim au Pavillon spécial, cela vous interpelle-t-il ?

Nous sommes 14 millions de Sénégalais, si deux détenus sont en grève de la faim au Pavillon spécial, mais il faut les laisser faire leur diète, quand ils en auront marre, ils vont arrêter. L’on parle trop de choses insignifiantes. Quand on dirige un pays, on s’occupe de l’essentiel. En prison, on ne peut être content. Si on est content en prison, c’est qu’il y a problème. Vrai ou faux ? La prison, c’est fait pour sortir de la société des gens qui, manifestement, sont asociaux, pour protéger les autres. Parce que ces personnes, à l’intérieur de la société, deviennent un danger. Aussi les garde-t-on dans un endroit sécurisé. C’est ça la vocation de la prison.

MOR TALLA GAYE