Si seulement le silence pourtant si bavard qu’on observe depuis, était tout simplement écouté ou entendu, peut-être que cette réaction n’aurait jamais eu lieu. Hélas ! Entendons-nous bien, à part le SYNPICS dont je suis membre et l’Intersyndicale de la RTS, je ne me rappelle pas, en tant que travailleur de l’entreprise avoir mandaté qui que ce soit pour parler en mon nom.
Alors si maintenant « autorisation » est donnée aux agents de dire ce qu’ils pensent de la situation actuelle sur des plateaux Tv ou à travers des articles de presse, j’estime que nul n’est mieux placé que moi pour exprimer mon point de vue. Voilà qui justifie la production de ces éléments de réflexion, de ces questions de fond ou constats.
Il faut d’emblée le souligner: la Radiodiffusion Télévision Sénégalaise étouffe. La crise qu’elle traverse est similaire au décor qu’offrent les locaux du Triangle Sud en ce moment: toutes les issues bloquées, l’espace occupé. Et il n’est point sûr que ces deux ventilateurs placés dans le Hall puissent régler quelque problème que ce soit si ce n’est ventiler davantage de chaleur, accentuer le bruit.
Ayons ce courage de le constater en tant que sénégalais mais aussi employés de cette entreprise : la RTS d’aujourd’hui reste la moins inspirée, la moins ambitieuse de tous les temps. Très regrettable de le dire, mais le travail n’a jamais été en réalité notre crédo ces dernières années.
La déroute est totale. Si aujourd’hui, on vit cette situation ou ces « deux, trois RTS (camps)», rien de surprenant ! Ce n’est que le bilan naturel, le résultat ou le fruit de comportements, d’une gestion dépourvue de vision, de clairvoyance, qui n’a jamais reposé sur un projet.
Jugeons –en ! Aujourd’hui, quand on analyse les éléments fondamentaux, centraux d’une radio-télévision que sont l’antenne et l’écran, on dirait que la RTS, en tant que mémoire audiovisuelle a décidé tout bonnement de sortir, de s’exclure de l’histoire audiovisuelle de ce pays, du monde.
Arrêtons-nous particulièrement sur le cas de la télévision puisque les radios qui ont « déposé les armes » les premières, depuis belle lurette, n’ont paradoxalement aucune signification aux yeux de ceux même qui les dirigent. La grille cadre (différente de la grille des programmes) qui est proposée à la télévision jusque là date de mathusalem avec des contenus ou programmes pauvres, dépourvus de densité, de finesse, « volés » parfois.
Ceci malgré les nombreux investissements consentis ces dernières années qui ne sont point ressentis à l’écran et les enjeux majeurs qui nous interpellent en tant Service public de l’audiovisuel. De la Grille cadre Tout le monde reconnaît qu’elle mérite d’être adaptée aux temps modernes. Dans ce sens, des réflexions et des séminaires ont été organisés. Le tout dernier atelier qui s’est passé à Saly en Novembre 2017, a duré 72h. Les personnels administratifs et techniques se sont mis à réfléchir avec des partenaires, extérieurs nationaux et internationaux.
Mais, jusqu’à ce jour, aucune proposition issue de cette rencontre n’a été appliquée. Les conclusions dorment dans les tiroirs (ou dans les ordinateurs) malgré l’évolution de l’espace audiovisuel mondial, les nouvelles aspirations des populations en matière télévisuelle. Des Contenus D’abord, il importe de préciser que 70% de l’actuel programme date d’avant 2012 (même cette hérésie qui consiste à rediffuser « Kenkéliba » 01h 30 après le direct est toujours de vigueur).
On peut soutenir sans se tromper que le nombre d’émissions qui ont vu le jour de 2012 à nos jours, s’inscrivant dans la durée avec un respect strict des périodicités, ne dépasse pas dix (10)**. Ensuite, il convient de noter que l’essentiel des contenus actuels est composé de programmes de flux. Depuis très longtemps, la Télévision ne produit ou ne propose aucun programme de stock.
Que du flux à l’écran ! Ce qui est frappant dans les différentes émissions qui ont vu le jour ces dernières années, c’est qu’on ne note aucun effort de recherche, aucune profondeur. L’on peut même s’interroger si on est en face de ce qu’on appelle « concept » en matière audiovisuelle. En voici quelques éléments illustratifs. Ø Les noms des émissions Cet aspect qui est fondamental, reste insignifiant, accessoire à la télévision nationale.
Ceci est d’autant plus vrai que les noms des émissions peuvent facilement faire l’objet de changements sans l’arrivée d’événement majeur le justifiant et malheureusement à l’insu du partenaire (le téléspectateur) à qui on doit beaucoup de respect. On peut citer l’exemple de l’émission qui est redevenue « Kassabor » après avoir été intitulée pendant un moment « le Débat ». Ø Les formats proposés Ils demeurent trop simplistes et ne répondent plus aux fondamentaux de la télévision.
En général, toutes les émissions se déroulent entre quatre murs, autour d’une table ou dans un salon. Les gens ne font malheureusement que parler, le propre de la radio. On donne moins à voir, à découvrir, à faire rêver, vocation naturelle d’une télévision. Et à l’heure de la « radio filmée », n’y a-t-il pas besoin de réinventer sa manière de faire de la télévision ? Ø La maîtrise du temps, du déroulement des programmes, le respect de la périodicité et la régularité des contenus qui sont impératifs en audiovisuel, constituent un problème majeur à la RTS.
Il n’est point besoin de rappeler que la télé, c’est des Rendez-Vous. C’est seulement à la RTS où les bandes-annonces ne contiennent jamais d’heures précises. On se contente toujours des formules du genre « Après ….» : « Après JT 20h », «Après JT 13h », « Après tel programme ou tel autre programme »….. Ce serait difficile de terminer ce chapitre « Contenus » sans évoquer avec beaucoup de regret la diffusion de programmes « volés » par les différentes chaînes (RTS2, 3, 4)*** et aussi par la TELEVISION NATIONALE (RTS1).
En effet, si les premières télévisions citées puisent régulièrement sur le net sans aucun droit une bonne partie de leurs programmes; la seconde se permet, avec une flagrance déconcertante de diffuser de contenus en floutant les signes (comme le logo) renseignant sur l’auteur, l’origine ou la provenance (voir la série « Chicago med »). Pour ce dernier cas, même si les autorités de l’entreprise peuvent soutenir être de bonne foi, avoir obtenu légalement ces contenus, les avaient-elles donc visionnés avant l’acquisition? Pourquoi n’ont-il pas exigé de disposer des originaux ou des PAD « clean » ?
Ce qui est élémentaire d’ailleurs en la matière, sinon le téléspectateur lui, ne peut que conclure ou soupçonner une exploitation frauduleuse du contenu d’autrui (pour ne pas dire un vol) de la part de la Télévision. A la suite de tout cela, l’on peut aisément comprendre • Pourquoi la télévision entendue comme créativité – originalité – innovation – audace a cessé d’exister dans cette entreprise • Pourquoi nous peinons à séduire, à faire rêver qui que ce soit malgré notre âge.
Des Investissements Légitime de s’interroger s’il est même sensé de les qualifier d’investissements s’ils ne contribuent à aucun changement, aucune amélioration des écrans ? L’on est même tenté de dire « Tout ça pour ça !» quand on fait le rapport entre l’ensemble des investissements effectués ces dernières années (faisant de la RTS une chaîne parmi les mieux équipées d’Afrique) et ce qu’elle propose aux téléspectateurs.
Le Sommet de la Francophonie de 2014, l’avènement de la TNT en 2015, les élections législatives de 2017 et la présidentielle de 2019 ont été des événements majeurs qui ont permis à la RTS de bénéficier de subventions en vue de se rééquiper (ces investissements ne sont donc forcément liés à une certaine perspicacité, ingéniosité ou volonté d’une personne comme on veut nous le faire croire). Avec tous les milliards déployés, il était prévu, en dehors de la diffusion en Haute Définition, un relookage profond de l’écran aussi bien dans le fond que dans la forme. Hélas, jusqu’à ce jour rien ne semble bouger.
Pire, le nouveau dispositif n’est utilisé qu’à 30 voire 40% de son potentiel. Entre autres raisons, retenons : Ø Le fait que les installations à certains niveaux n’ont pas été abouties. Comment expliquer que la connection Régie TV1 et studio TV1 n’est toujours pas effective ? Comment expliquer que la télévision nationale ne peut pas faire deux « directs » à partir de n’importe quel point du territoire ? que la RTS2 jusqu’à une date récente, ne pouvait pas faire un simple « Direct » ? ou pourquoi certaines fonctionnalités n’ont jamais marché dans certains secteurs?
Ø Le fait que le plan de formation adopté pour mettre à niveau les agents fut tout simplement inadéquat, décousu. Au finish, personne ne maîtrise rien et les changements attendus n’ont jamais vu le jour à part le fait qu’on diffuse en HD (seulement sur le canal de la TNT pour la RTS1. Toutes les autres chaînes diffusent en SD). Justement à propos de ces chaînes ou télévisions régionales mises en exergue comme investissement majeur par l’actuelle Direction. En voilà des initiatives qui n’ont jamais pu décoller.
La RTS2 (déclinaison impropre d’ailleurs en l’absence de radio) qui devait se positionner pour être la chaîne concurrente des télévisions privées, donne l’impression d’une mort-née. Les stations de Tambacounda et de Ziguinchor qui effectuaient jusqu’au mois de Juin des décrochages de 04h max par jour, sont désormais sur le bouquet TNT avec celle de Matam la dernière née. Peut-être une évolution ? L’avenir nous dira. En tout cas, rappelons – le !
A l’origine sans avoir tiré le bilan de l’expérience de la télé pilote de Tambacounda (RTS3), la station de Ziguinchor (RTS4) qui devait polariser les régions de Sédhiou et Kolda, fut mise en place. Hélas ! Aujourd’hui une bonne partie de son personnel est rappelée à Dakar, faute de ne pouvoir concrétiser le projet initial. Est-il besoin de préciser que la vocation fondamentale de la SN-RTS, conformément aux textes qui la régissent, est de contribuer à satisfaire les besoins et aspirations des populations en matière d’information, de culture, de divertissement, d’éducation tout en faisant prévaloir le souci exclusif des intérêts généraux de la Collectivité ?
« Satisfaire les besoins et aspirations des populations » n’est pas obligatoirement synonyme de multiplier les stations. L’audiovisuel, en tant que art ou science, ne se résume pas en terme de dimension ou taille de ses locaux, en terme de quantité d’équipements ou de stations, mais reste simplement intelligence, efficience, stratégie, humilité. Aujourd’hui avec l’évolution de la technologie, l’essence devrait être plutôt d’identifier les challenges, les vrais centres d’intérêt, recadrer la démarche et se concentrer sur des chantiers majeurs ?
Des Enjeux Six ans après l’avènement de la Télévision numérique terrestre au Sénégal, on devait plutôt en être aujourd’hui au développement et à l’exploitation de chaînes thématiques en vue de diversifier l’offre programmatique. Ce qui permettrait certainement de corriger, de réarticuler certains choix et participerait à favoriser une meilleure utilisation du capital humain avec l’instauration d’un climat dominant de recherche, de travail, de créativité. Sûr que dans ces conditions, les travailleurs disposeraient de moins de temps pour des sujets aussi faibles jusqu’à ce que toute la Direction Générale se mette à voir qui lui est loyal ou pas ?
A son âge et avec l’évolution des technologies, les supports de la RTS, en dehors des écrans et antennes classiques, devaient être hétérogènes. A la place d’un simple site (où d’ailleurs certains boutons et rubriques ne marchent pas, où la mise à jour laisse à désirer, cf http://www.rts.sn/), il serait important de développer une performante plateforme qui prolongerait la vie des contenus diffusés sur les écrans et antennes classiques et proposerait s’il le faut, d’autres types de contenus.
L’exploitation des réseaux sociaux dans ce sens ne serait pas de trop, car jouent un triple rôle de caisse de résonance pour les programmes. En effet, ils permettent de promouvoir et susciter l’intérêt des téléspectateurs en amont de la diffusion, de conserver et d’engager l’audience pendant la diffusion, et surtout de prolonger l’expérience et le lien avec le média en aval. Le reste maintenant est de verser dans la recherche perpétuelle, de proposer avec une planification bien maîtrisée de concepts aboutis et réfléchis, de contenus pertinents épousant les aspirations des populations.
Dieu sait que le pays regorge tellement de merveilles, de richesses culturelles, sociales, environnementales, économiques…à montrer, à faire découvrir. Si le Public est vraiment notre raison d’être, nous leur devons tout sauf ce qu’on est en train de dérouler depuis un certain nombre d’années. Sauver cette entité, ce patrimoine qu’est la RTS devient donc un impératif, un devoir d’autant que deux choses restent évidentes, sûres :
• Ce « contenu » pour ne pas dire ce spectacle (la crise actuelle) que nous offrons aux sénégalais aujourd’hui est loin, très loin du terrain sur lequel ils nous attendent et veulent nous entendre. • Une entreprise sans contrat de performance, sans vision, sans projet, sans âme fonce naturellement droit au mur. En attendant de revenir sur d’autres aspects à travers d’autres contributions, (puisque ce texte est déjà long), je vais terminer cette analyse par le comportement insoutenable, inadmissible, incompréhensible de celui qui dirige cette instance qui pouvait pourtant favoriser un consensus, une cohésion, un climat autre que celui que nous vivons.
En clair, comment expliquer l’attitude du Président de la défunte Amicale des cadres de la RTS, de surcroît Directeur ? Au lieu de rassembler, il pose les germes de la division en demandant à des agents de quel camp sont-ils entre la Direction Générale et l’Intersyndicale? Sincèrement, je trouve que si l’Amicale fonctionnait normalement, elle pouvait aider à « cadrer », encadrer et recadrer au besoin. Malheureusement, tel un médicament ou un aliment périmé, elle est devenue avec son Président un grand danger.
N.B : ** : L’écran suffit pour édifier, sinon la liste de toutes les émissions reste disponible *** : Pas plus tard que ce Dimanche 01 Août, La « RTS2 » a diffusé le film « Dakar trottoirs » du réalisateur sénégalais Hubert Laba Ndao qui n’a ni donné son autorisation, ni signé une quelconque convention avec la RTS. Mamadou Ndiaye, Monteur à la RTS Chef du Service Montage Télévision de 2016 à 2019 (démissionnaire) Scénariste, Réalisateur, Prix meilleure série Fespaco 2011 Membre d’un seul « Parti politique » ou « Mouvement »: la RTS.
Intersyndicale RTS
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