Il attire de jour en jour une foule de curieux et de visiteurs. Juché sur l’une des deux collines volcaniques coniques des Mamelles, à l’aise sur ses 52 mètres, le Monument de la Renaissance est un véritable lieu de pèlerinage, pour touristes et autochtones.Une belle aubaine pour les caisses du Monument qui survit agréablement à son «géniteur», Me Abdoulaye Wade. Visite guidée !
SAËR SY (STAGIAIRE)
Mohammed Mbodji, joyeux drille de 11 ans,a le visage qui pétille comme des bulles de «Fanta». Il est aux anges, son visage rayonne de joie et de bonheur. Il ne touche plus terre,content de découvrir pour la première fois cet endroit.Il est en compagnie de ses parents et de son jeune frère. Malgré la pénible trajectoire pour y arriver. En écho avec son jeune frère, il dit : «C’est difficile de monter toutes ces marches.» Cette montée des 198 marches ne fatigue pas seulement les plus jeunes.Il faut suer pour franchir palier après palier. Plus on s’approche, plus les jambes deviennent lourdes. Une épreuve d’endurance pour les non pratiquants de sport. Perché sur son mètre 70(1,70m), teint noir, fourré dans un blue jean délavé sur un top noir, casque de cheveux frisés dansant au gré du vent, Dieynaba Diallo est déjà sur les rotules, à peine la moitié des marches franchie. «C’est très dur pour moi de montrer jusqu’en haut, parce que je ne pratique pas le sport», hoquète-t-elle, en compagnie de ses sœurs et cousines, toutes âgées entre 20 et 30 ans, et de leur tante qui avoisine la quarantaine. Elles étaient venues découvrir le lieu pour la première fois. Sur le parvis du monument qui est ouvert au public de 9H à 19H45mn, tous les jours, une petite pause s’impose avant d’accéder au guichet pour acheter un ticket soit pour une simple visite (du rez-de-chaussée au troisièmeétage) à 1 000FCfa, soit pour une visite complète à raison de 3 000FCfa. Sur l’esplanade, un message de l’ancien chef de l’Etat accueille. Couché sur une plaquette, le rappel se décline en une seule phrase. Simple mais symbolique. «Jeune d’Afrique et de la Diaspora, si un jour tes pas te portent au pied de ce Monument, pense à tous ceux qui ont sacrifié leur liberté ou leur vie pour la Renaissance de l’Afrique.» Le ton est donné. C’est ce message qui a poussé Ibrahima Mbodj, 40 ans, à aller à la découverte du Monument, en compagnie de sa petite famille. Mû par le souci d’en voir plus, il a bravé les 198 marches pour «déflorer» les trésors que renferme le Monument.
6200 visiteurs par mois. «Au départ, j’avais cru que le Monument n’était qu’une simple statue. J’ignorais qu’il y avait des choses à visiter à l’intérieurqui pourrait nous permettre de mieux comprendre cette Africanité qui est en nous», confie-t-il.La quarantaine, teint clair, vêtu d’une chemise bleue en wax, pantalon kaki sombre, lunettes de soleil sur le front, Abdou Aziz Doumbouya prend le temps de jeter un regard lointain sur Dakar. «Quand vous effectuez la visite en groupe, on vous explique tout le processus de la réalisation des travaux, du début à la fin. Un guide vous dresse l’histoire de l’Afrique et du Sénégal. C’est vrai que c’est attractif, mais il y a ce côté instructif avec tout le travail artistique qui y a été fait», explique-t-il, la mine enjouée.L’enchantement de Abdou Aziz Doumbouya est justifié. L’intérieur du Monument est un vrai ravissement pour les yeux. Au rez-de-chaussée, un diaporama décrivant l’histoire de la construction du Monument et une fresque retraçant l’histoire de l’Afrique et de ses grandes figures sont fièrement exposés. Tandis qu’au 3e étage, une petite salle d’exposition temporaireattend d’accueillir la foule de curieux. Un niveau plus haut, le salon d’honneurau 4e étage,décoré par AïssaDione, trône. Puis au 15e étage constitué du bonnet de l’homme qui enlace sa femme par la taille et supporte son fils, c’est le ravissement. A partir de ce sommet qui offre une vue imprenable sur Dakar et la presqu’île, la beauté est à vous couper le souffle. A tel point que Abdou Aziz ne s’en lasse pas. Assis avec son amie sur un des bancs vissés sur la plateforme, tournant le dos au Monument, Abdou Aziz Doumbouya est à son aise dans la «salle d’attente». «Au début, les gens disaient que c’est un faux investissement que Me Abdoulaye Wade avait fait et que ça n’allait servir à rien. C’était une fausse impression qu’ils avaient du Monument. En le visitant, vous réalisez que le nombre de personnes qui y défilent est grand. C’est bénéfique pour les Africains en général et pour les Sénégalais en particulier», poursuit-il.Découverte pour les étrangers, le Monument de la Renaissance est aussi source de curiosité pour les autochtones. Vêtu d’un boubou bazin marron, écorce caramel,Nanah Abdukhadr est un Camerounais de 30 ans. Pressé de visiter l’édifice, il lance à la cantonade : «C’est énorme. Ce monument est un trésor inestimable pour le Sénégal. C’est extraordinaire et magnifique.» Si le Monument vaut le détour pour son côté instructif, son paysagevaut lui aussi le crochet. Comme l’indique Awa Dembélé qui s’y rend dès que l’occasion se présente pour prendre des photos. Habituée des lieux, la Malienne s’y rend souvent juste pour prendre la pose. Elle lâche : «Vu de l’extérieur, c’est fantastique. Et rien de tel pour une séance shooting que de venir la réaliser ici.» Tout comme Awa, HamzeyHiandway, un Jordanien de 26 ans en visite de travail au Sénégal, et un couple indien savourent la vue imprenable et le panorama unique qu’offre le géant de cuivre et de bronze du haut de la colline des Mamelles, dans la commune de Ouakam. A l’image des 6200 visiteurs par mois que reçoit l’édifice, ils sont béats d’admiration. «C’est la première fois que nous visitons le Monument. Et nous sommes ébahis devant tant de beauté et de majesté. C’est tout juste époustouflant», confient-ils en chœur, tout en saluant l’esprit visionnaire de l’ancien chef de l’Etat. Même s’il avait soulevé un tollé d’indignation lors de son édification, le Monument de la Renaissance a fini de convaincre, aujourd’hui, tous les sceptiques. Hélène Tine, députée à l’Assemblée nationale, fait partie du lot. «Dans un pays où la population avait du mal à avoir de l’électricité pendant 3 heures par jour, je trouvais impertinent de mettre 12 milliardsde FCfa dans un tel édifice. Lors d’un voyage à Addis Abiba, alors que des collègues députés étrangers me parlaient du Monument avec enthousiasme, j’ai ressenti de la gêne de n’y avoir jamais été. Par la suite, j’ai visité et je suis tombée sous le charme. Ce qu’il y a à l’intérieur est extraordinaire. Je suis même tombée sur une exposition de Ousmane Sow», souffle celle qui avoue mener un plaidoyer pour le Monument auprès de ses collègues députés afin qu’ils viennent le visiter. Une belle aubaine pour les caisses du Monument et les poches des commerçants et autres photographes qui squattent les alentours du Monument.
Business. Assidûment fréquenté depuis 2014, le Monument de la Renaissance est une source de revenus fructueux pour les quelques commerçants qui proposent divers articles aux visiteurs. Pape Diagne est l’un d’eux. Son échoppe à lui fait face au trio que constitue la petite famille du Monument. Depuis 2011, il parvient à gagner sa vie en ce lieu. Masques traditionnels, peintures sous verre, colliers en perles, tableaux, petites statuettes sont soigneusement rangés sur des étagères et attirent l’intérêt de quelques touristes qui prennent le temps de marchander l’objet de leur convoitise. Sourire commercial pour attirer la clientèle.«Nous sommes là depuis 2011. Les touristes étrangers comme sénégalais viennent acheter nos produits. Les affaires marchent au gré de l’affluence. Il nous arrive de réaliser de bons chiffres d’affaires. Comme on peut rentrer à la maison sans un sou en poche», renseigne Pape Diagne qui milite pour une meilleure valorisation de leur cadre de travail. «Il nous faut une bonne politique d’accompagnement afin de rendre le cadre plus approprié. Qui sait ? On pourrait même y aménager une galerie artisanale ou y implanter un Village des arts. Cela rendrait l’esplanade du Monument plus attractif pour les touristes et cela donnerait de la valeur à nos produits. L’administration fait des démarches en ce sens, mais cela tarde à se concrétiser», pleure-t-il. Sa collègue, Aïda Kandji, ancre la racine du mal dans les menaces terroristes et Ebola qui ont porté un sacré coup à leur business. «Après l’inauguration du Monument, les affaires marchaient plutôt bien.Mais, face à Ebola et les menaces terroristes en Afrique de l’Ouest, le business a connu une certaine passivité.» Pour elle, l’Etat doit les appuyer en baissant les taxes afin d’accroître l’affluence et de booster leurs ventes. Si les commerçants peinent à sortir la tête de l’eau, les photographes, eux, se frottent les mains. Au nombre de 17, ils sont organisé selon un règlement consensuel bien respecté. Chaque jour, ils viennent s’inscrire sur une liste qui permet à chacun d’entre eux de passer à tour de rôle. «Nous travaillons suivant un système bien rôdé. Nous nous inscrivons sur une liste et effectuons le travail en alternance», indique Cheikh Oumar Baldé, photographe. Une bonne méthodologie de travail qui permet à chacun de tirer son épingle du jeu.Réticent à dévoiler leur chiffre d’affaires journalier, Cheikh Oumar Baldéajoute : «Je préfère taire notre chiffre d’affaires, mais je vous dirai juste queles affaires marchent bien. Si tel n’était pas le cas, on aurait quitté les lieux depuis longtemps.» Son collègue Kalidou d’en rajouter une couche : «Nous ne remercions jamais assezl’ancien chef de l’Etat,Abdoulaye Wade, d’avoir réaliséce joyau qui nous permet de bien gagner nos vies.» Comme quoi, son «géniteur» avait bien raison lorsqu’il déclarait : «Ce monument est une force de propulsion et d’attraction dans la grandeur, la stabilité et la pérennité de l’Afrique.» Me Wade avait vu juste !
RACINE SENGHOR, DIRECTEUR DU MONUMENT DE LA RENAISSANCE AFRICAINE : «38 200 élèves, 6 200 visiteurs par mois, 62 touristes par jour, 4 millions de FCfa de recettes par mois»
Affluence
«Le monument est très fréquenté. Cette année, pour les écoles, nous avons reçu 38 200 élèves. Cette année, il y a eu un plus de touristes que l’année dernière. Nous avons pu recevoir 6 200 visiteurs par mois. Et nous avons 62 touristes par jour, ce qui a doublé par rapport à l’année de référence de 2014 qui était de 30 touristes par jour. Il est important que les autochtones viennent aussi visiter le monument. Nous avons commencé à laisser l’espace gracieusement à ceux qui acceptaient de venir tenter l’expérience avec nous. Et je dois rendre un hommage à Didier Awadi qui est un visionnaire très africaniste, alors qu’à l’origine, ils étaient tous contre le monument. Mais dès qu’il a compris où ça allait, il a accepté de venir donner le premier concert avec les 25 ans du Positive black Soul (Pbs) et aussitôt après, il a fait venir Stromaë. C’était un évènement mondial et depuis lors, les gens viennent parce que l’espace s’y prête. Ces quatre derniers mois, il y a eu quatre concerts. On fait payer les gens qui viennent et l’année prochaine (2017), on peut faire mieux. Ce qui nous permettra d’avoir des ressources pour mieux gérer le monument. Nous organisons régulièrement une randonnée dite de la Renaissance qui est à caractère culturel. Les marcheurs vont visiter les grands sites du patrimoine (Grotte de Seydina Limamou Laye, le phare des Mamelles, la mosquée de la Divinité, le tour de certains arbres anciens) avec un regard intéressant sur la tombe de Birago Diop qui a écrit le conte sur les Mamelles et il est enterré à moins de cent (100) mètres de là.»
Rentabilité financière
«Chaque mois, on peut gagner 4 000 000 de FCfa ou plus. Nous ne payons pas directement la mairie, mais c’est aux organisateurs d’aller à la Perception municipale pour payer les taxes et c’est plus d’un million qu’elle gagne à chaque fois. D’ailleurs, même la mairie gagne plus que le monument. Ce n’est pas cela le plus important. La rentabilité est souvent perçue en termes d’espèces sonnantes, mais pour nous, le plus important, c’est le plaisir qu’éprouvent les gens en visitant le monument.»
Personnel
«Le personnel administratif et de soutien du monument est composé de 34 personnes. Mais, il y a, à côté de ça, une trentaine de personnes qui viennent s’occuper de la maintenance, avec une entreprise qui les gère. Nous avons les photographes accrédités qui sont au nombre de 17 et sont là tous les jours. Nous avons la Boutique du Souvenir qui emploie 3 personnes, un restaurant qui a ouvert depuis deux mois, avec 7 employés, il y a aussi 11 cantines avec des vendeurs d’objets d’art. Nous avons un artiste acrobate pour amuser les visiteurs. Je ne parle même pas du corps de sécurité avec la gendarmerie qui envoie ses éléments qui ne sont pas payés par le monument, mais lorsqu’il y a des manifestations, ils viennent en appoint. Et nous avons des Agents pour la sécurité de proximité (Asp) qui sont au nombre de 6.»
