Ahmadou Bella Diallo déclare entre Promesses Électorales Brisées et Une Jeunesse Sacrifiée

Les élections présidentielles de mars 2024 et législatives de novembre 2024 sont désormais derrière nous, mais la réalité qui se dessine aujourd’hui est d’une amertume insupportable. Le peuple sénégalais, dans l’espoir de voir un changement radical, a accordé sa confiance au président élu, qui a remporté la présidence dès le premier tour avec plus de 54 % des voix. Cependant, cette victoire, obtenue sur la base de promesses grandioses, n’a pas empêché le pays de sombrer dans une crise socio-économique bien plus profonde que ce que l’on aurait pu imaginer. La jeunesse, qui avait mis toutes ses espérances dans ce changement, se retrouve aujourd’hui abandonnée, sacrifiée sur l’autel de la politique clientéliste et des intérêts personnels.

Parmi les promesses qui avaient séduit le peuple sénégalais, il y avait l’abrogation totale de la loi d’amnistie, le non-cumul des fonctions de président de la République et de celui du Conseil supérieur de la magistrature, la criminalisation de l’homosexualité, ainsi que la réduction du coût de la vie. Ces engagements avaient soulevé un véritable espoir de réforme et de transparence. Cependant, aujourd’hui, ces promesses, tout comme d’autres concernant l’emploi et la dignité de la jeunesse sénégalaise, sont tombées dans l’oubli, laissant derrière elles une population déçue et frustrée.

Pour apaiser le pays après les drames humains liés aux violences politiques qui ont secoué le pays entre mars 2021 et mars 2024, le gouvernement sortant avait mis en place une loi d’amnistie. Cette loi avait pour but de permettre une certaine réconciliation nationale, mais dans ses promesses électorales, le président élu s’était engagé à abroger cette loi d’amnistie, afin de rétablir la justice pour toutes les victimes de violences passées. Cependant, une fois au pouvoir, ce même gouvernement semble avoir renoncé à cette promesse. Plutôt que de procéder à une abrogation totale, ils optent aujourd’hui pour une loi interprétative, qui ne remet pas en question les principes de la loi d’amnistie, mais plutôt en ajuste l’application. Une promesse de campagne, encore une fois, qui tombe à l’eau, laissant derrière elle une population frustrée et déçue.

La gestion de cette crise, de même que la gestion de l’économie, révèlent l’incapacité du gouvernement à répondre aux aspirations profondes de la population, notamment de la jeunesse. Le Sénégal, malgré ses ressources naturelles considérables comme le pétrole et le gaz, ne semble pas les utiliser pour améliorer les conditions de vie de sa population. L’absence de réinvestissement dans des secteurs essentiels tels que l’éducation, l’emploi et la santé ne fait qu’aggraver les frustrations de la jeunesse, qui reste la véritable richesse du pays. Ce manque de vision pour l’avenir de la jeunesse sénégalaise et cette gestion des ressources naturelles préoccupent et montrent un écart entre les promesses électorales et la réalité vécue par le peuple.

Le président élu, qui s’était engagé à créer des emplois pour la jeunesse afin de contrer l’exode massif vers l’Europe, semble avoir oublié ses engagements dès qu’il a été réinstallé dans ses fonctions. Une autre promesse, celle de donner un avenir à ceux qui n’avaient aucune chance de trouver du travail dans le secteur public, est tombée dans l’oubli. Au lieu de cela, nous assistons à une multiplication des licenciements, à la réduction des services publics, et à une gestion économique de plus en plus opaque. Cette situation n’est rien d’autre qu’une trahison de la part du président et de son gouvernement qui ont choisi de ne pas investir dans la jeunesse de ce pays.

Le Sénégal aurait dû suivre l’exemple d’autres pays africains ayant réussi à se diversifier économiquement et à investir dans la formation professionnelle de leurs jeunes. Le Rwanda, par exemple, a investi massivement dans l’éducation et l’innovation, tout en créant des opportunités pour les jeunes dans des secteurs tels que les technologies et l’agriculture durable. Le Botswana, grâce à une gestion avisée de ses ressources naturelles, a diversifié son économie et mis en place des politiques d’insertion pour ses jeunes à travers l’entrepreneuriat et la formation professionnelle. Le Maroc, quant à lui, a développé des secteurs clés comme l’automobile et les énergies renouvelables tout en intégrant des programmes de formation qui ont permis à sa jeunesse de s’épanouir dans des métiers porteurs. L’Éthiopie, avec sa croissance économique rapide, a également misé sur l’agriculture moderne et les industries légères, tout en formant sa jeunesse aux nouveaux métiers. Enfin, le Ghana, en diversifiant ses secteurs agricoles et miniers, a renforcé la compétitivité de ses jeunes grâce à des programmes de formation adaptés aux besoins du marché.

Malheureusement, contrairement à ces exemples, le gouvernement sénégalais semble être resté figé dans des pratiques de gestion archaïques et clientélistes, ne favorisant ni la diversification de l’économie ni l’investissement dans les atouts humains et intellectuels du pays. Au lieu de créer des opportunités pour sa jeunesse et de soutenir son épanouissement, il semble choisir de renforcer son réseau d’influence, au détriment du bien-être national en envoyant une partie de ses forces vives en Espagne ou au Qatar.

Les drames humains liés aux violences politiques qui ont secoué le pays entre mars 2021 et mars 2024, avec des affrontements internes, ont entraîné la perte de plus de 80 jeunes sénégalais. Ces jeunes, pris dans un cycle de violences et de frustrations, ont payé de leur vie pour avoir voulu exprimer leur désespoir face à une situation socio-économique de plus en plus difficile. Bien que les forces de l’ordre aient eu pour rôle de maintenir l’ordre public, ces événements ont révélé la profonde crise qui secoue le pays. Ces tragédies ne sont pas une fatalité, mais le résultat d’une gestion qui n’a pas su répondre aux aspirations de la population. Le président élu, qui avait promis de redresser la situation, semble avoir renoncé à son engagement dès que les urnes ont parlé.

De plus, au lieu de s’attaquer aux véritables problèmes économiques du pays, le gouvernement a opté pour des politiques répressives et des licenciements dans les secteurs publics et privés. La réduction des postes de travail, loin de contribuer à l’amélioration des finances de l’État, n’a fait qu’alimenter la frustration et le désespoir d’une jeunesse qui se trouve désormais sans avenir. Le pays, bien que riche en ressources naturelles, semble être gouverné par une élite qui préfère accumuler les profits plutôt que de les investir dans la création d’emplois durables pour les jeunes.

Le Sénégal aurait dû suivre l’exemple de pays comme le Rwanda, le Botswana, le Maroc, l’Éthiopie, et le Ghana, qui ont réussi à diversifier leurs économies tout en investissant dans la formation professionnelle de leur jeunesse. Ces pays montrent que, avec une gestion prudente et une vision claire, il est possible d’utiliser les ressources nationales pour créer des opportunités pour la jeunesse, et ainsi construire une économie durable. Mais au Sénégal, au lieu de suivre ce chemin, le gouvernement semble s’enfoncer dans des pratiques qui ne profitent qu’à une élite restreinte.

Cette politique est non seulement une trahison pour les jeunes, mais elle met également en péril l’avenir du pays. Le chômage de masse et l’absence d’opportunités ont déjà engendré une migration de talents, qui affaiblit encore davantage la nation. Les jeunes, qui devraient être le moteur du développement, sont contraints de fuir la misère, ce qui ne fait qu’amplifier les fractures sociales et économiques. Le Sénégal, qui pourrait être un exemple de croissance et de prospérité en Afrique, se dirige à grande vitesse vers un avenir incertain, dominé par des inégalités croissantes et une instabilité sociale de plus en plus palpable.

L’exemple de pays comme le Nigeria, malgré ses énormes réserves pétrolières, montre bien ce qu’il advient lorsqu’une élite déconnectée de la réalité gère les ressources naturelles sans tenir compte des besoins de la population. Tout comme le Nigeria, le Sénégal court le risque de se retrouver dans un piège où la richesse des ressources naturelles alimente une pauvreté systémique et un désespoir généralisé.

Les dirigeants actuels ont le devoir de comprendre que la jeunesse ne se contente plus de promesses creuses. Si le pays ne s’attaque pas rapidement aux racines du chômage et de la pauvreté, si les politiques de formation et d’insertion professionnelle ne sont pas mises en place de manière concrète, la situation sociale ne pourra que se détériorer. Le gouvernement devra choisir entre continuer à sacrifier sa jeunesse pour préserver ses intérêts politiques et économiques, ou agir enfin pour permettre à cette jeunesse de se construire un avenir meilleur et digne.

Le Sénégal est à la croisée des chemins, et si rien ne change, le pays pourrait se retrouver dans une impasse, où la jeunesse, désillusionnée, refusera de croire en la promesse d’un avenir meilleur. Un gouvernement qui ignore cette réalité risque de se retrouver à la tête d’un pays ingouvernable, où les tensions sociales, les inégalités et la colère des jeunes feront les titres des journaux.

Ahmadou Bella Diallo
Président du mouvement And Bollo Defar Sunu Rew
Responsable politique APR à Saly

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