Chronique : Archéologie d’une école sénégalaise ballottée entre le syndicat et la politique
Alors que nous sommes à moins de trois mois de la fin de l’année académique 2017-2018, c’est toujours l’expectative entre le gouvernement du Sénégal et les centrales syndicales d’enseignants regroupées autour du G6. En effet, ces dernières rechignent toujours à reprendre les cours du fait d’une discrimination notoire qu’ils endurent entre leurs pairs fonctionnaires de même diplôme et de même grade. Du coup, l’école sénégalaise se retrouve ballotée entre des syndicalistes déterminés à gagner leur combat et des politiques qui ne sont mus que par leurs intérêts contingents.
L’éducation demeure un pilier essentiel sans quoi, aucun pays au monde ne pourrait se prévaloir d’un quelconque développement. Du coup, le Sénégal qui a toujours été une référence mondiale dans ce domaine, traine aujourd’hui parmi ces pairs africains. Et cette place peu enviable qui lui est conférée découle inexorablement des grèves cycliques qui minent son système éducatif depuis des lustres.
Cependant, ce délaissement de la formation des « matières grises » est moins le refus des enseignants de s’acquitter de leurs responsabilités pédagogiques que de l’incurie des pouvoirs publics qui ne font pas du savoir, une priorité des priorités. Il est vrai que les syndicats d’enseignants se sont toujours battus pour la satisfaction de leur plateforme revendicative, mais depuis 2014, le gouvernement peine à procéder à l’application correcte des accords signés avec ces dits-syndicats.
Plusieurs rencontres ont eu lieu entre eux et les autorités de tutelle mais les divergences de vue prennent toujours le dessus sur le commun accord. Cependant, les véritables causes qui poussent ces syndicats d’enseignant à ne pas lâcher du lest, résulteraient indubitablement d’une discrimination notoire dont ils font l’objet de la part des pouvoirs publics. En effet « toutes les études menées sur le régime indemnitaire de la fonction publique ont toujours révélé que l’enseignant est le parent pauvre du système. Cette inégalité notée entre lui et les autres fonctionnaires et non-fonctionnaires découle des indemnités importantes octroyées à ces derniers au début des années 2000. Des enseignant(e)s de même qualification professionnelle n’ont pas le même traitement salarial en raison de leurs différences de statut quand bien même, ils sont soumis aux mêmes obligations de résultats ».
Depuis 2014,le gouvernement peine toujours à procéder à l’application effective des accords signés. Aujourd’hui frôlant une année blanche, le ministre de l’éducation national, Serigne Mbaye Thiam ne trouve rien de mieux à faire que de chercher à casser le mouvement syndical pour ensuite menacer de sévir contre les réfractaires. Pas plus tard que la semaine dernière, il a organisé une conférence de presse pour rassurer élèves et parents d’élèves sur la levée du mot d’ordre de grève décidée par une frange des syndicats. Ce qui n’est pas corroboré par beaucoup de grévistes qui ont très tôt apporté leur réplique, arguant d’ailleurs que la lutte continue de plus belle.
La question fondamentale que l’on est tenté de se poser est de savoir pourquoi la toute puissance publique refuse d’apporter une solution définitive aux maux qui gangrènent l’école sénégalaise ? A l’évidence, il serait illusoire que l’enseignant soit érigé en parent pauvre du système éducatif. Et tant qu’il n’aura pas été revalorisé, l’école sénégalaise risque, à en pas douter, de ne pas sortir de l’ornière. Aujourd’hui parents d’élèves, élèves et citoyens tiers s’indignent d’un pouvoir beaucoup plus préoccupé par la présidentielle à venir que de la résolution des préoccupations majeures de l’école sénégalaise et de l’ensemble de son personnel enseignant.
Pour ce faire, seule une nouvelle conscience citoyenne, et un système politique responsable pourrait être à mesure de relever les défis auxquels l’école sénégalaise reste confrontée depuis des générations.
Birama THIOR
