Et si l’on parlait des bides étatiques de l’année ? Par Khady GADIAGA

Mon excellent ami Gueye Talla nous demande de faire nos propositions de flops de l’année argumentées avec au moins deux actes négatifs de portée nationale posés par un responsable désigné.

 

Il y a différentes manières en termes de flops d’envisager l’année politique qui tire à sa fin. On peut y voir l’expression d’une démocratie bafouée, où l’opposition est néantisée à l’exception du Pastef qui résiste inlassablement à sa mise à mort programmée, à cause d’une histoire personnelle devenue par la volonté d’un État comploteur, drame collectif.

 

La question tragique de mon ami Amadou Bamba Thiobane à savoir « quelle année est-il à l’UCAD ? » Et la réponse
– « Il est toujours l’année dernière « ! vient enfoncer le clou révélant toute l’impuissance et la faillite du système de gestion publique aux antipodes de l’orthodoxie et du désir de résultats.

 

On ne peut ne pas déplorer la fermeture des universités pour des raisons purement politiciennes quand les arènes sont grandement ouvertes et les promoteurs de pugilats de gladiateurs sponsorisés à coût de millions..
Les universités sont à la dérive, les universitaires sont en péril. Quid des lois relatives aux libertés et responsabilités des universités. Que dire des politiques d’évaluation, des nouvelles modalités du management public, etc…

 

Tout mène au mur car le mal est plus profond. D’une part, l’espace public universitaire est moribond, si bien que la voix de la communauté universitaire est inaudible dans l’espace public national et, d’autre part, le peu d’engagement concret dans des actes de résistance contre les mesures iniques proposées par le gouvernement justifiant la mise en veille des temples du savoir expliquent – en grande partie – la facilité avec lesquelles des décisions si récentes ont bouleversé, en profondeur, le monde universitaire.

 

Faute d’un espace public interne ardent et énergique, la communauté universitaire est divisée, ceux qui la dirigent sont délégitimés, les autres, écrasés par des tâches de plus en plus nombreuses à faire en de moins en moins de temps, sont incapables de fonder un projet alternatif à la vision utilitariste des pouvoirs publics, tandis que les étudiants et les professionnels qui, pourtant, pourraient être des relais efficaces du monde académique dans l’espace public, ne comprennent pas grand chose aux enjeux universitaires.

 

C’est dramatique pour notre communauté, mais aussi dramatique pour l’avenir même de la démocratie.
La mission de l’Université n’est pas seulement de former de la main d’œuvre soumise à des entreprises d’ailleurs bien incapables de prévoir leurs besoins en ressources humaines dans les cinq ans qui viennent, mais de former des citoyens critiques. La démocratie est forte de ces citoyens, c’est pourquoi elle peut devenir malade de son université.

 

Envisager la politique autrement que ce qu’elle peut offrir de plus élaboré en matière de manœuvres diverses avec, en toile de fond, l’exercice jubilatoire et exclusif d’un pouvoir local manifestement très prisé. Il y a certainement un peu des deux, on laissera les lecteurs se forger leur propre opinion.

 

Restent les marques qui subsisteront sans aucun doute, sur la vie sénégalaise et les électeurs, en ces périodes post-Covid où toute la résilience des hommes et des femmes a été sollicitée, où toute la déshérence de la jeunesse a été mise à nu, entre ruptures, blocage de l’action publique et critiques ad hominem d’un prince aujourd’hui privé d’une grande partie de ses pouvoirs parce que finissants mais pas pour autant décidé à quitter son bureau refait par procuration à neuf. Nous avons aussi notre part de responsabilité dans cette déliquescence voulue et provoquée par des acteurs très peu ébranlés par la misère humaine.

 

Non, nous ne sommes pas victimes d’un quelconque totalitarisme barbare contre lequel nous n’avons aucun moyen de lutter. D’abord et avant tout, nous sommes victimes de notre impossibilité à faire communauté et de notre répugnance à nous engager. Non pas martyrs de l’aliénation à nos gouvernants, mais adeptes de la neutralité de salon et victimes de la soumission à notre propre lâchetés. Au Sénégal, en matière de politique, l’inédit est devenu presque banal depuis une décennie. À tel point qu’on se demande comment 2024, année par excellence électorale mais qui promet d’être électrique pourrait être plus agitée. On sera bientôt fixé.

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K.G 15 décembre 2023