Expansion de l’Azawad et jeux d’influence : l’Algérie face à un risque de fragmentation, (Par Alpha Coulibaly, journaliste d’investigation)

La montée de la mouvance séparatiste dans la région de l’Azawad au nord du Mali, et son impact potentiel sur le sud de l’Algérie, représente aujourd’hui l’un des défis les plus complexes pour la stabilité régionale. En août 2025, les tensions ont atteint un nouveau seuil avec les avancées militaires significatives réalisées par la nouvelle coalition armée de l’Azawad. Cette coalition, dirigée par le Front de Libération de l’Azawad (FLA), a su imposer sa présence sur le terrain face aux forces armées maliennes, notamment grâce à l’intégration récente de groupes rebelles puissants, dont la célèbre Katiba « Alaa Ag El-Bachir » et Katiba « Macina », ainsi que d’autres factions dissidentes.

Cette unification des forces rebelles marque une étape décisive dans la dynamique militaire de l’Azawad, et constitue une source d’inspiration manifeste pour les Touaregs algériens qui, eux aussi, nourrissent depuis des années des aspirations autonomistes, en particulier dans les régions sensibles du sud algérien comme Tamanrasset et l’Adrar.
Ces événements, s’ils paraissent à première vue circonscrits au territoire malien, ont en réalité des répercussions directes sur la sécurité nationale de l’Algérie. Le fait que des Touaregs algériens aient publiquement réclamé l’indépendance de leur région, dans un contexte d’instabilité frontalière, n’est pas anodin. Selon un article publié par ‘’Atalayar’’ novembre dernier, des leaders touaregs du sud algérien ont récemment exprimé des revendications d’indépendance concernant les régions de Tamanrasset et de l’Adrar, une dynamique nouvelle qui interpelle fortement les autorités à Alger.
Ce phénomène dépasse largement les frontières maliennes et révèle une dynamique régionale plus profonde des revendications touarègues, nourrie par le succès militaire des séparatistes maliens. Ce glissement idéologique, combiné à une dynamique offensive sur le terrain, constitue une combinaison explosive, susceptible de menacer l’unité territoriale de l’Algérie et d’alimenter un climat de tension dans une région déjà fragilisée par des déséquilibres socio-économiques.
Face à cette situation, les autorités algériennes n’ont pas hésité à désigner la France comme acteur clé dans l’aggravation de la crise. Un article de ‘’DIA Algérie’’ rapporte qu’Alger tient Paris pour responsable de la création même de la nouvelle coalition rebelle au Mali, en l’accusant d’un soutien direct ou indirect aux groupes séparatistes. Ces soupçons s’inscrivent dans un climat de tension diplomatique grandissant entre les deux pays, marqué par une rupture progressive du dialogue et une perte de confiance mutuelle. Dans ce contexte, plusieurs sources évoquent également des manœuvres françaises visant à fragiliser la stabilité du sud algérien. Le site ‘’Sahel Intelligence’’ mentionne que Paris serait soupçonnée de soutenir les mouvements indépendantistes touaregs présents sur le territoire algérien.
Plusieurs médias rapportent en parallèle que des revendications séparatistes ont été exprimées dans le sud de l’Algérie, une évolution préoccupante qui semble trouver un écho direct dans les récentes percées militaires de l’Azawad. De plus, ‘’France 24’’ a récemment évoqué l’arrestation au Mali d’un ressortissant français suspecté d’implication dans un plan de déstabilisation soutenu par des puissances étrangères, renforçant ainsi les soupçons algériens sur un agenda régional plus large de déstabilisation.
La France, de son côté, dément toute implication directe dans la déstabilisation du Mali ou de l’Algérie, mais plusieurs éléments suggèrent au moins une forme de complaisance à l’égard de certains groupes rebelles, dans le cadre d’une stratégie d’influence au Sahel. Si cette attitude venait à être confirmée, elle constituerait un précédent extrêmement préoccupant, remettant en cause les principes fondamentaux du respect de la souveraineté des États africains. L’Algérie, fidèle à sa tradition de défense de l’unité nationale et continentale, ne peut rester indifférente face à de telles dynamiques.
Dans ce contexte tendu, l’Algérie se trouve à la croisée des chemins. D’un côté, l’inaction ou la passivité face à ces évolutions risquent d’encourager les velléités séparatistes internes. D’un autre, une réponse strictement sécuritaire pourrait aggraver la situation en marginalisant davantage les populations concernées, ce qui serait contre-productif. L’alternative la plus viable et la plus stratégique demeure le retour à la diplomatie. L’Algérie a prouvé par le passé sa capacité à jouer un rôle de médiateur régional, comme en témoigne son implication décisive dans les accords de paix de 2015 entre le gouvernement malien et les groupes armés de l’Azawad. C’est ce même leadership diplomatique qu’il convient aujourd’hui de réactiver pour contenir les risques d’embrasement généralisé.
Ignorer le rôle que pourrait jouer la France dans la déstabilisation de la région serait une grave erreur stratégique. Il est essentiel que l’Algérie adopte une posture à la fois ferme et proactive, dénonçant toute ingérence, tout en favorisant un règlement pacifique des conflits au Mali. C’est en s’affirmant comme un acteur incontournable du dialogue intermalien que l’Algérie pourra préserver à la fois sa sécurité intérieure et son rayonnement géopolitique. Ce choix n’est pas seulement pragmatique, il est vital pour garantir la stabilité du Maghreb et du Sahel dans les années à venir.

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