Guinée Conakry : la réhabilitation d’Ahmed Sékou Touré source de polémique

Les tensions entourant la mémoire collective ne se limitent pas à la Russie. En Guinée, un débat émerge autour de la réhabilitation d’Ahmed Sékou Touré, l’homme qui fut à la fois le père de l’indépendance du pays et un dictateur brutal. Depuis la prise de pouvoir du colonel Mamadi Doumbouya en septembre 2021, des gestes symboliques en faveur de Sékou Touré se multiplient, culminant avec le changement de nom de l’aéroport de Conakry, rebaptisé « Aéroport International Ahmed Sékou Touré » en décembre.

Cette décision n’a pas manqué de susciter des réactions contrastées au sein de la société guinéenne. Le Premier ministre, Mohamed Béavogui, neveu d’une victime emblématique de Sékou Touré, a exprimé publiquement son mécontentement. Cependant, de nombreux Guinéens soutiennent cette démarche, arguant que le pays a besoin de modèles et de figures fortes, et que Sékou Touré incarne le combat pour la dignité et l’indépendance, notamment parmi la jeunesse. Une certaine nostalgie pour cet ancien dirigeant est de plus en plus perceptible.

 

Pourtant, des voix s’élèvent pour rappeler les violations des droits de l’homme commises sous le règne de Sékou Touré. Les organisations de défense des droits humains estiment qu’il a laissé derrière lui des milliers de victimes, avec environ 50 000 morts et disparus. Certains s’interrogent sur la nécessité de ne pas oublier cette sombre période de l’histoire guinéenne.

La réhabilitation d’Ahmed Sékou Touré conserve une image ambivalente. Pour certains, il est le héros qui a mené la Guinée à l’indépendance en s’opposant à la France coloniale, notamment en disant « non » au référendum du général de Gaulle en 1958. Cependant, pour d’autres, il demeure un tyran.

Le dilemme qui se pose aujourd’hui est de savoir si la réhabilitation de Sékou Touré risque de faire taire ses victimes, de moins en moins nombreuses pour dénoncer les crimes de son régime. Le portrait édulcoré du chantre du panafricanisme et du défenseur des libertés pourrait ainsi l’emporter au détriment de la vérité historique.

SARA  JUPITER    SENEGAL7