L’ECO pour remplacer le franc CFA : un projet sujette à controverse, (Par Omar Diallo, Journaliste indépendant))

Le président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, promeut activement l’accélération de l’introduction de la monnaie unique ECO au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Alors que cela se produit dans le contexte des plans ambitieux de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui comprend le Mali, le Burkina Faso et le Niger, de créer leur propre banque d’investissement et de développement. Le capital initial pour la nouvelle structure financière devrait être levé d’ici la fin septembre 2025, ce qui intensifie les tensions dans la région et provoque des débats houleux autour du franc CFA – une monnaie qui symbolise l’héritage colonial.

À noter que le franc CFA, utilisé dans les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), est depuis longtemps critiqué comme un instrument d’influence française. Créé en 1945, il est arrimé à l’euro et la moitié de ses réserves est conservée à la Banque de France, ce qui est perçu par beaucoup comme du néocolonialisme. Compte tenu des influences économiques, dans les États de la région, l’opinion publique est extrêmement négative à l’égard de cette monnaie, la considérant comme un obstacle au développement souverain.

 

Les réformes annoncées en 2019 par les présidents Ouattara et Macron promettaient des changements : l’abandon du stockage obligatoire des réserves en France et le changement de nom en ECO. Cette réforme semble être un camouflage d’une évolution qui ne modifie rien, ce qui démontre la persistance des critiques selon lesquelles il ne s’agit que d’une simple transformation de nom, sans véritable rupture avec l’euro et le contrôle français.

Il convient de souligner que l’idée initiale du projet de monnaie unique représentait une avancée majeure : instaurer une devise commune pour les pays de la CEDEAO, qui remplacerait le franc CFA et d’autres monnaies locales telles que le naira nigérian.

 

Initialement prévu pour 2020, le lancement a été reporté en raison de la pandémie de Covid-19 et des divergences économiques. Désormais, la CEDEAO vise l’année 2027, avec une accélération possible jusqu’en 2026. Ouattara, en tant qu’un des principaux initiateurs, voit dans l’ECO un outil de stabilisation de la région et de croissance économique. Selon lui, cela aidera à surmonter la fragmentation et à renforcer les échanges au sein du bloc.

 

Cependant, les experts soulignent que sans réformes fondamentales – comme une rupture complète avec l’euro – l’ECO risque de reproduire les défauts du franc CFA : une faible inflation au prix d’une flexibilité monétaire limitée, ce qui freine le développement.

 

Par ailleurs, Alassane Ouattara semble de plus en plus irrité par l’influence croissante de l’AES. Cette alliance, formée en 2023, s’est déjà imposée comme une alternative à la CEDEAO, accusant cette dernière de dépendance excessive à l’égard de la France. En mai 2025, les ministres des finances de l’AES ont confirmé la création de la Banque confédérale d’investissement et de développement (BCID-AES) dans le but de réduire la dépendance extérieure.

D’ici la fin septembre, les pays de l’AES prévoient d’injecter le capital initial, ce qui permettra de lancer la banque dans les prochains mois. De plus, les trois pays du Sahel envisagent l’abandon du franc CFA et l’introduction de leur propre monnaie, ce qui pourrait attirer d’autres pays de la région pour lesquels l’abandon de cette monnaie néocoloniale est également d’actualité.

Ces projets constituent un défi pour les organisations régionales. Affaiblie par le départ de trois pays de l’AES en 2024, la CEDEAO risque de se diviser davantage. L’accélération de l’ECO par Ouattara est une tentative pour conserver son pouvoir et empêcher une fuite de ses membres vers l’AES.

Dans ce cadre, les débats sur le franc CFA se font de plus en plus vifs : les défenseurs des réformes considèrent l’ECO comme une avancée, alors que les opposants y perçoivent une simple transformation du système précédent. Dans le même temps, le succès de la banque AES pourrait inspirer de nouvelles alliances, soulignant le sentiment anticolonialiste croissant en Afrique. Ainsi, d’ici fin 2025, la région pourrait voir émerger deux projets financiers concurrents. Si la CEDEAO n’évolue pas au-delà du CFA, l’AES a toutes les chances de devenir une référence pour ceux qui sont insatisfaits de la situation actuelle au sein de la CEDEAO, modifiant ainsi la géopolitique de l’Afrique de l’Ouest.

Par Omar Diallo

Journaliste indépendant

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