« Mankeur, avez-vous du « cœur» ? » (Dr. Mawa Samb, Parent d’élève à Yavuz Selim Sultan)

Senegal7.com vous cette contribution du Dr. Mawa Samb, parent d’élève à Yavuz Selim Sultan sur le désarroi des parents et élèves du Groupe Yavuz Selim, fermé par les autorités sénégalaises à la demande de la Turquie.

« Ô rage, Ô désespoir, Ô cruelle tyrannie du monde adulte qui doit tout sacrifier sur l’autel de la diplomatie pour ensuite jeter dans la rue nos enfants tels des malpropres qui n’ont commis que le crime de fréquenter un établissement en proie à des enjeux politiques. Ne devrions nous pas adopter la posture du proverbe qui stipule ceci : « Un homme n’est jamais aussi grand que lorsqu’il se penche pour aider un enfant ». Les parents du groupe Yavuz Selim et leurs enfants avec, ne savent plus où donner de la tête. En fait, depuis l’annonce faite par les autorités sénégalaises de mettre fin au management du Groupe, les élèves sont plongés dans un désarroi profond car ne sachant pas exactement quel sort leur sera réservé dans le conflit opposant l’Etat du Sénégal à leur administration. Pour rappel, après le coup d’état manqué en Turquie, le Président Recip Erdogan avait accusé son rival l’Imam Fetullah Gulen d’être derrière ce renversement avorté. S’en suivirent des représailles à l’encontre des partisans, alliés ou sympathisants de l’Imam en exil aux Etats Unis ayant culminé par des arrestations en masse de journalistes, militaires, policiers, universitaires, enseignants et étudiants. Dans le même élan de représailles, des établissements du Groupe Yavuz Selim (éparpillés dans 170 pays) furent fermés un peu partout dans le monde comme en Guinée. Face à cette série de fermetures, le Gouvernement sénégalais avait affirmé sa souveraineté et déclaré vouloir examiner la situation en toute responsabilité avant de prendre une décision par la voix de son ministre des affaires étrangères. Cependant, grande fut notre surprise lorsque le ministre des affaires étrangères a annoncé la fin des activités du Groupe Yavuz Selim en violation flagrante des droits des enfants et des parents dudit Groupe qui vont devoir payer les pots cassés du bras de fer Erdogan/Gulen

Décision malheureuse en beau milieu d’année scolaire

La semaine dernière, la mesure est tombée comme un couperet sur la tête des élèves qui sont en pleine année scolaire et sur le point de finaliser leurs évaluations du premier trimestre. La question qui taraude les esprits est sans nul doute la suivante : mais qu’est ce qui a poussé l’Etat du Sénégal à prendre une décision à ce moment de l’année scolaire où les apprenants n’ont pas besoin d’être les victimes dans un conflit Turco-Turc qui ne les intéresse ni de prés, ni de loin. Serait-on aujourd’hui au Sénégal en train de prendre fait et cause pour le gouvernement turc qui a exprimé son désir et sa volonté de fermer tous les établissements Yavuz Sélim au Sénégal qui seraient des nids de terroristes, de subversifs et d’agitateurs dont la réelle place devrait être la prison.

Nous parents d’élèves, nous osons espérer que l’Etat du Sénégal ne va pas sacrifier nos enfants en arrêtant les activités de ce groupe pour ensuite soi disant confier la direction à une fondation dont les parents ignorent l’existence jusqu’à ce jour (cette fondation serait créée après le coup d’état par le Président Erdogan d’après les administrateurs du Groupe Yavuz Selim). Est-il juste, pertinent, judicieux de confier nos enfants à des mains inexpertes qui n’ont pas encore fait leurs preuves sur notre sol?

D’ailleurs, il est difficile de comprendre aujourd’hui les autorités sénégalaises qui ont décoré le groupe Yavuz Selim (haute distinction du Concours Général qui pend fièrement sur les murs de l’établissement) et vouloir mettre fin du jour au lendemain à leurs activités sans prendre langue avec les parents. Après avoir agrée ce Groupe et donné la confiance aux parents de leur confier leur progéniture, il est difficile de comprendre ce changement d’attitude des autorités qui désavouent ce groupe après plus de vingt ans d’existence sur notre sol.

Quand les autorités de la Guinée ont décidé de fermer les écoles Yavuz Selim, ma fille a commencé à se poser des questions sur son avenir avec son école. En tant que parent d’élève, je l’ai rassurée en lui disant d’un ton sec et froid : « ce qui s’est passé en Guinée ne peut pas se produire au Sénégal ». Erreur… Force est de constater aujourd’hui que nos enfants risquent d’être les grands perdants dans cette lutte fratricide qui n’a rien à faire dans le champ scolaire. En tant que parents d’élèves, nous avons toujours œuvré pour préserver les intérêts de nos enfants dans cet établissement qui, même s’il est géré par des Turcs, est fréquenté en majorité par des apprenants sénégalais qui prennent part aux examens nationaux et suivent des programmes du Ministère de l’Education. Ces élèves sont dans tous les ordres d’enseignement de notre système c’est-à dire du pré scolaire à l’élémentaire et du moyen au secondaire.

Implication des parents d’élèves dans la marche de l’établissement

Il est bon de rappeler que notre rôle en tant que parents d’élèves a toujours été crucial dans la bonne marche de cet établissement. En effet, il ne se passe pas un seul mois sans que nous allions nous enquérir des contenus pédagogiques administrés à nos enfants. Pour preuve, lorsque l’établissement avait émis le désir de supprimer l’espagnol comme langue étrangère au profit du Turc, nous avions opposé un niet catégorique et fait pression sur l’administration pour qu’elle revienne sur sa décision. En outre, nous avons toujours exhorté l’établissement à s’imprégner des techniques et innovations en cours dans les écoles sénégalaises à travers la formation continuée pour un meilleur renforcement de capacités de ses enseignants. Aujourd’hui, force est de reconnaître que l’école a accédé à notre demande en dépêchant ses enseignants dans les cellules pédagogiques ou en accueillant au besoin les collègues dans ses locaux afin de partager avec son personnel enseignant.

Nous estimons par ailleurs que les enfants bilingues ou trilingues ont une sensibilité métalinguistique plus développée qui devrait leur permettre sans aucun doute de mieux affronter les défis du vingt-et unième siècle. En effet, nos enfants apprennent le Turc, prennent des cours en Anglais ( maths anglais, physique anglais, histoire anglais, sciences anglais etc.). Donc tout ceci pour dire que nous avons en tant que parents d’élèves toujours pleinement joué notre rôle de garants du système et des enseignements en cours dans ce Groupe. S’il y avait des activités subversives ou terroristes, nous aurions été les premiers à alerter les autorités ou à défaut, retirer nos enfants. Il est temps pour la diplomatie sénégalaise de revenir sr sa décision et épargner à nos enfants le spectre d’une année blanche ou d’un changement d’établissement en pleine année scolaire. Il serait illusoire de penser que les parents d’élèves vont continuer le reste de l’année avec un management inconnu et indésirable pour l’heure. Il est temps d’ouvrir un dialogue franc et sincère avec les parents et ouvrir des pistes de réflexion qui vont aller dans le sens de l’apaisement et du dénouement de cette crise qui a laissé les nombreux parents sans sommeil depuis l’annonce de cette nouvelle malheureuse et malvenue. L’heure est grave car nos enfants sont perturbés et je me demande comment réagirait un ministre en charge d’un dossier important si on lui annonçait qu’il était démis de ses fonctions en plein conseil des ministres ou encore un footballeur en pleine rencontre à qui on annonce qu’on a mis fin à son contrat ? Sachons raison garder et œuvrer pour un avenir meilleur à tous nos enfants éparpillés dans les établissements scolaires du Sénégal en leur garantissant une éducation de qualité sans immixtion aucune de la politique ou du diktat d’un président étranger qui ne prend pas en compte l’avenir et le devenir de nos chers enfants sénégalais.

Dr. Mawa Samb, parent d’élève à Yavuz Selim Sultan