Le 26 septembre 2002 est une date fatidique au Sénégal marquant le naufrage du bateau Le Joola où près de 2000 âmes périrent en mer. En cette date d’anniversaire, le Pr Mary Teuw Niane a pris sa plume pour rendre hommage aux victimes.
Voici, in extenso, son texte
Le bateau LE JOOLA
Dans un an, il aura vingt ans
La PLAIE est toujours béante
Ils étaient mille, huit centaines, six dizaines et trois unités,
Ils étaient femmes et maris, frères et sœurs,
Ils étaient pères, mères, filles et fils,
Ils étaient enfants et adultes,
Ils étaient élèves, étudiants et talibés,
Ils étaient sénégalais, étrangers, blancs et noirs,
Ils étaient casamançais, ils n’étaient pas casamançais,
Ils étaient sénégalais, ils n’étaient pas sénégalais,
Peu importe, ils se noyèrent comme une offrande
L’Océan Atlantique, sans pitié, les ensevelit
La tornade, la houle, le déferlement fracassant des vagues furent mortels
Ils furent moins mortels que la négligence coupable et impunie
Elle, qui fit monter à la place de cinq centaines et huit dizaines de places, ces hommes, ces femmes et ces bagages
Ils furent entassés, serrés,
Ils vivaient heureux de l’espoir d’arriver à bon port
Ils croyaient en Dieu, ils avaient prié
Certains avaient toujours leur chapelet
Les doigts habitués égrenaient les perles
Et leurs lèvres psalmodiaient les versets
Ils ne pouvaient ne pas arriver
La belle Sœur noire ébène
L’abbé élégant dans sa robe blanche
L’imam majestueux dans sa djellaba
Chacun dans sa croyance, généreux
En communion, ils bénirent le voyage
Le Port de Ziguinchor lâcha LE JOOLA
Commandant et matelots firent le dernier salut
Pouvons-nous imaginer la joie débordante
Des vacanciers qui se retrouvaient
Le bonheur des parents heureux de voyager ensembles
Ces touristes qui pensaient vivre un dernier moment d’exotisme
Et cette griote à la voix envoûtante, cette marchande qui portait sur sa tête son magasin,
Elles gagnaient quelques milliers de francs durant le périple pour nourrir leurs familles
LE JOOLA était un village, une ville, un pays
Il nous ressemblait, mal-en-point il souriait
Le malheur se cache, le bonheur se montre
Le non ne se dit pas, la logique est univoque
Pensons à nos disparus,
Prions pour le repos de leurs âmes
Dans la communion des cœurs et des esprits,
Souvenons-nous, nous avons eu LE JOOLA
PLUS JAMAIS CELA
Comments are closed.