Jeudi 20 Février. Il est 18 heures passées au quarter Grand-Thiès, un des plus anciens de la cité du rail. Les rues connaissent une certaine animation. Et il n’est pas difficile de demander son chemin pour retrouver la maison qui a vu grandir Idrissa Seck.
La demeure qui a vu grandir Idy a pignon sur rue, juste à côté de l’école franco-arabe Ndiassé Mbaye, sur l’axe routier allant du rond-point Concorde à l’hôpital Amadou Sakhir Ndiégène. On est au domicile d’Alioune Badara Niang. Dans la cour, trois jeunes dames épluchent des oignons certainement pour le repas du soir. Juste à l’entrée du bâtiment, se tient debout une femme d’un âge avancé. Adja Joséphine Diédhiou, courte de taille et de teint clair, est la mère adoptive d’Idy et tant d’autres enfants issus de familles défavorisées. A l’évocation du nom de son putatif fils adoptif, Idrissa, la vieille s’avance d’un pas lent, quelque peu fébrile qui témoigne du poids des ans sur ses épaules. Son fils Amadou Niang se précipite vers elle et fait les présentations. «C’est un journaliste il fait un reportage sur Idrissa Seck».Son sourire, malgré les rides,illumine son visage. Et, d’une voie tremblotante, elle dit : «Idrissa, c’est mon fils. C’est ici qu’il a vécu tout jeune. C’est moi qui l’ai inscrit à l’école. Je ne suis pas très éloquente mais ce que je peux dire c’est que c’était un enfant calme et tranquille qui aimait bien étudier. Il était aussi très pieux à son âge». Et montrant du doigt la maison attenante à la sienne, elle poursuit : «C’est là où vivaient ses parents.C’est son père qui m’a convertie à l’Islam.» Au moment où la vieille se retirait, une femme du nom d’Awa Cissé fit son entrée dans la maison. Elle ne tarda pas à s’inviter au débat. «Idy adorait sa maman. Je ne peux compter le nombre de fois où il m’a trouvée au marché où ma mère tenait un étal, chaque fois envoyé par sa mère ?Il venait portant une calebasse pour acheter du poisson et des légumes pour sa mère. Et quand ma mère lui demandait pourquoi sa mère, Fatou Diop Assane, n’est pas venue, il répondait qu’elle est occupée», se rappelle-t-elle.
Une ambition présidentielle qui date de l’enfance
Bien qu’issu d’une famille démunie, Idrissa Seck nourrissait déjà, dès sa plus tendre enfance, des ambitions présidentielles, selon Amadou Bour Tandian Niang qui partageait avec lui la chambre qu’il occupait dans sa famille d’adoption. « Je me rappelle, à l’époque, quand le président Senghor faisait un discours, il le suivait religieusement. Mais après le discours, il allait directement à la cuisine pour récupérer le ruban que sa mère utilisait comme bande adhésive pour la cuisson à la vapeur du couscous et se la nouait autour du cou comme cravate. Ensuite, il se mettait debout sur le banc, dans la cour. Les mains levées au ciel, il s’écriait : Idrissa, président de la République. Et tout le monde en rigolait», raconte le voisin de chambre d’Idy. A cela s’ajoute qu’il aimait toujours reprendre les discours de cet ancien Président qu’il récitait. S’agissant de distractions particulières, Idrissa Seck n’en avait presque pas hormis le jeu de cerf-volant qu’il affectionnait à sa tendre enfance et Amadou Bour de revenir sur une petite anecdote. «Chaque après-midi, Idrissa et ses amis sortaient pour jouer au cerf-volant. Les fils qu’ils utilisaient s’accrochaient au fils électriques. Ce qui a fini par créer des désagréments. Les agents de la Senelec finirent par s’en ouvrir au chef de quartier. Ce dernier les prit tous un jour et les a bien bastonnés. Il a fallu l’intervention de ma mère pour que le chef de quartier, feu Mbar Kâ, les laisse partir». Une autre petite anecdote, celle-là relative à leurs excusions en cachette avec son groupe d’amis pendant l’hivernage au niveau du marigot «deug-deug» où ils allaient se baigner et la correction assez sévère qu’il reçut quand il a été découvert.
Chouchou de l’équipe Dioubo de Cité Lamy
Idrissa aimait jouer au foot. Il a joué, selon Bour, à l’équipe de Grand-Thiès, Jaraf. Mais puisqu’il ne venait pas aux entrainements, privilégiant ses études, l’entraineur, Lucien Preira refusait de le sélectionner et il se voyait obligé de cirer le banc. Cette situation ne lui a pas plu. C’est ainsi qu’il est allé à Cité Lamy où il jouait dans une petite équipe Dioubo où il ne tarda pas à devenir la star. Il a aussi joué au Thiès football club, avec les Lamine Ndoye, Félix Gomis et autres avec comme entraineur, Joe Diop. «C’était un bon technicien individuel mais un mauvais technicien en mouvement. Sur le jeu collectif il n’était pas aussi brillant. Mais seul avec le ballon, il faisait ce qu’il voulait», décrit-il.
En dehors du foot, le jeune Mara comme l’appelait affectueusement sa mère a aussi flirté avec les arts martiaux au dojo de DjibySow où il faisait du karaté. Et Bour de poursuivre pour dire qu’en dehors des études et du sport la principale activité d’Idrissa Seck consistait à laver la fripe que son papa venait d’acquérir et de la battre pour que le lendemain ce dernier puisse aller les vendre au marché. «C’était sa principale activité génératrice de revenus», selon lui. Et de prier pour que ce fils du quartier accède à la magistrature suprême. Cette même volonté est aussi partagée par un groupe de jeunes trouvés à la devanture de la boutique qui fait face à la maison. A la question de savoir s’ils vont voter, la réponse ne s’est pas fait attendre. Le jeune Abdoulaye Diallo s’est précipité pour dire qu’ils vont tous voter pour leur grand frère. Pourquoi ce choix ? «Cela va de soi. C’est notre frère et il est thiessois. Tous ont vu ce qu’il a fait dans cette ville», répond-il.
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