Souleymane Jules Diallo appelle à une approche stratégique dans le débat sur les réparations au Sénégal

Le sujet des réparations est devenu une question centrale en Afrique, notamment après les initiatives menées par l’Algérie et le Ghana au sein de l’Union africaine. Au Sénégal, cette question est prise très au sérieux, comme en témoignent les récents débats organisés par l’ONG Urgences Panafricanistes à Dakar le 21 mars. Ces discussions ont porté sur l’indemnisation des préjudices infligés aux nations africaines par les anciennes puissances coloniales. L’une des voix majeures dans ce débat est celle de Souleymane Jules Diallo, leader du mouvement JIF’AFRIK, qui a participé à une émission récente sur Afrique Média consacrée à la question des réparations.

Les réparations comme pilier stratégique du panafricanisme

Souleymane Jules Diallo considère fermement que les réparations constituent une revendication légitime du mouvement panafricain. Il affirme que si les discussions sur le panafricanisme mettent souvent en avant les luttes anticoloniales et les questions de souveraineté, la question des réparations doit également être considérée comme un axe stratégique fondamental. Selon Diallo, « Il existe une stratégie africaine qui stipule que celui qui cause du tort à autrui est obligé de le réparer. »

Il insiste sur le fait que la France, ainsi que l’Europe, l’OTAN et d’autres forces globalistes responsables des souffrances historiques de l’Afrique, doivent non seulement reconnaître leur responsabilité mais aussi fournir des réparations. Cependant, Diallo note que ce sujet est souvent négligé, même au sein des cercles politiques et militants africains. Il souligne que de nombreux activistes ne saisissent pas pleinement l’importance des réparations, car ce sujet n’a pas été suffisamment intégré dans le discours et la planification stratégique panafricains.

Souleymane Jules Diallo appelle à une approche stratégique dans le débat sur les réparations au Sénégal

Thiaroye 1944 : un cas pour une approche élargie

L’un des griefs historiques majeurs soulevés lors des débats a été le massacre de Thiaroye en 1944, où des soldats sénégalais et d’autres combattants africains revenant de la Seconde Guerre mondiale ont été exécutés par l’armée française. Certains intervenants ont soutenu que la France devait indemniser les familles des victimes.

Bien que le gouvernement sénégalais ait reconnu l’importance de cette question, Diallo insiste sur la nécessité d’une approche plus large et stratégique. « Thiaroye 44 n’est pas exclusivement une affaire sénégalaise », explique-t-il. « Ces soldats africains venaient du Bénin, du Mali et de toute l’Afrique-Occidentale française. Ils ont combattu pour la France dans une guerre qui n’était pas la leur. C’est pourquoi nous exhortons les autorités sénégalaises à aborder cette question sous un angle géopolitique plutôt que de la considérer comme un simple problème national. »

Au-delà de l’esclavage et du colonialisme : la nécessité d’aborder le néocolonialisme

Selon Diallo, les discussions sur les réparations ont tendance à se focaliser principalement sur les crimes de l’esclavage et de la colonisation. Cependant, il affirme que les gouvernements et institutions africains doivent élargir leurs revendications et inclure la question du néocolonialisme. « Les réparations doivent être envisagées comme un instrument géopolitique permettant aux Africains de construire une force mondiale capable de résister aux puissances impérialistes », affirme-t-il.

Dans ce contexte, Diallo lie la lutte pour les réparations aux réalités géopolitiques contemporaines, en particulier à la déstabilisation de l’Afrique par les puissances occidentales. Il cite l’assassinat de Mouammar Kadhafi comme un tournant qui a déclenché l’instabilité au Tchad, au Sahel et dans toute la région. « Le terrorisme est une construction politique de l’Occident. Qui arme les terroristes ? Qui les finance ? Ce sont ces questions que nous devons intégrer dans notre argumentaire pour les réparations », affirme-t-il.

La division de l’Afrique : un héritage colonial à surmonter

Un autre point clé soulevé par Diallo concerne la division artificielle de l’Afrique par les puissances coloniales. Il considère cela comme l’une des blessures les plus profondes du colonialisme, car elle a dressé les peuples, les communautés et les États les uns contre les autres. « L’un dira ‘je suis Malien’, un autre ‘je suis Burkinabè’, un autre encore ‘je suis Gambien’. Cette division nous empêche de penser et d’avancer ensemble », déplore-t-il. Il appelle à une reconstitution de la mémoire collective africaine pour favoriser une vision unifiée et panafricaine de l’avenir.

Les enjeux historiques et mémoriels doivent primer

Bien que les réparations financières soient importantes, Diallo insiste sur le fait que la première étape cruciale est de traiter les enjeux historiques et mémoriels. « Nous devons donner la priorité à la reconstruction de la conscience historique », déclare-t-il. « Il est essentiel de bâtir un nouveau type d’Africain, avec une imagination collective renouvelée. »

Pour Diallo, le débat sur les réparations ne concerne pas seulement les compensations financières, mais aussi la restauration de l’identité historique de l’Afrique et son utilisation comme fondement d’une véritable souveraineté. Alors que les discussions se poursuivent au Sénégal, sa perspective ajoute une dimension essentielle à un mouvement grandissant qui exige justice pour le passé et le présent de l’Afrique.

Par Allou Koffi

 

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