Medias : Un espace mal occupé, niveau du débat faible (Par Diaraf DIOUF)

Dans un Etat organisé, le rôle des médias est de transmettre de l’information et de représenter un miroir des activités politiques, économiques sociales et modèles culturels en place.
Aujourd’hui avec le développement des technologies, surtout l’essor des médias sociaux, des changements sont intervenus avec comme conséquence : la pauvreté du débat public !

 

Depuis les évènements de mars 2021 jusqu’ à nos jours, le niveau des débats dans nos médias classiques comme sociaux au Sénégal se caractérise par un niveau qui est très bas. Nous sommes pour la plupart du temps dans des débats de personnes et au ras des pâquerettes, ou les intervenants n’ont pratiquement que l’insulte à la bouche.

 

Emberto Eco avait certainement raison en disant : « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, avant, ne parlaient qu’au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite alors qu’aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. »

 

Et tant que ça se limitait seulement sur les réseaux sociaux avec la recherche du buzz et des vues, on pouvait toujours tolérer mais aujourd’hui ,c’est dans nos télévisions les plus suivies et à des heures de grande audience.

 

Des intellectuels qui jadis donnaient leur opinion en enrichissant les débats sur les sujets qui intéressaient leurs compatriotes ont fini par quitter les plateaux de télévisions et studios des radios, refusant d’être lynchés sur les réseaux sociaux. Ces spécialistes dans plusieurs domaines laissent ainsi la place à des « chroniqueurs ».

 

Ils sont peu nombreux de nos jours ces intellectuels qui prennent leur courage à deux mains pour dire ce qu’ils pensent réellement. Ce qui ne facilite pas à relever le niveau des débats dans nos médias. Et instaure en même temps la pensée unique. Certains journalistes et /ou chroniqueurs lâchent de manière péremptoire, tels des censeurs ou directeurs de conscience, qu’un tel n’a plus droit à la parole.

 

Alors que la liberté d’expression est garantie par la constitution en son article 10 qui dispose que : « Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public. »

 

C’est superflu de dire que l’espace médiatique sénégalais est très mal occupé, avec une race de soi-disant chroniqueurs surgis de nulle part qui passent tout leur temps à débiter des contrevérités et des inepties. Ces derniers experts en rien, pire ne se donnent même pas le temps de faire des recherches sur les sujets qu’ils abordent à longueur d’antenne.

 

Les uns ne ratent jamais l’occasion de brocarder le régime en place alors que les autres soutiennent les points fermés tous les actes posés par le régime. Appelés à être équidistants à l’égard de toutes les chapelles politiques, la plupart prennent position en fonction de leurs affinités politiques ou leur proximité avec un leader et sans aucune rigueur intellectuelle.

 

On ne peut pas se décréter chroniqueur du jour au lendemain, surtout pour des gens dont les études, le parcours et l’expérience ne permettent d’évoquer des sujets qui exigent des connaissances pointues.

 

La faiblesse du niveau des débats dans notre pays est facilitée aussi par la sous-formation et la sous-documentation des journalistes et hommes de médias qui ne diversifient pas leurs contenus en faisant des efforts de recherches sur des sujets aussi importants comme la relance de l’économie, la santé ,entre autres sujets.

 

Il est à remarquer également que de plus en plus les populations n’ont suffisamment plus de temps pour se pencher sérieusement sur le travail recherché des acteurs des médias. C’est ce que l’on appelle le mythe des masses. L’effet Internet y est aussi pour beaucoup. Nos compatriotes raffolent de palabres et perdent beaucoup de temps dans ces émissions ou les participants ne cessent de se chamailler, aucune plus-value.

 

Dans ce tableau sombre, il faut saluer cette embellie, la formation en journalisme financier, de 32 journalistes qui ont reçu leurs parchemins le jeudi 27 juin 2024 lors d’une cérémonie organisée par le Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI) à Dakar, un programme à l’initiative de Bloomberg Media Initiative Africa (BMIA).

 

A l’image de beaucoup de secteurs d’activités, les nouvelles autorités doivent porter une attention particulière sur celui des médias d’autant plus que des assises ont été tenues dans ce sens par les acteurs. Alioune Sall a indiqué que l’État continuera à accompagner les entreprises de presse qui sont en conformité avec les services de l’État.

 

« L’État du Sénégal, en ce qui le concerne, ne ménagera aucun effort pour accompagner les entreprises sérieuses qui font preuve d’une gouvernance financière saine dans leur développement », a laissé entendre le ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique à l’occasion de la Journée de réflexion des médias accentuée sur la liberté de presse, les lanceurs d’alerte et la sécurité des journalistes, le mardi 25 juin 2024.

 

Ce qui devrait permettre un changement de paradigme dans le fonctionnement des médias pour des contenus de qualité. Vivement les débats de haut niveau à la place des discussions de « Grand place » !

 

Diaraf DIOUF -Journaliste, diplômé en communication politique