Amadou Diarra, Maire de Pikine nord et responsable du pds « Macky Sall fait du banditisme d’Etat ! »

Même s’il a « accepté » – mais pouvait-il seulement faire autrement ? – de recevoir le président de la République le dimanche dernier dans sa commune pour les besoins de la remise des clefs de l’Arène nationale, Amadou Diarra reste droit dans ses bottes pour combattre Macky Sall et son régime. Dans l’entretien qui suit, le maire de la commune de Pikine Nord, par ailleurs membre du secrétariat exécutif et du comité directeur du Parti démocratique sénégalais (Pds) fusille le régime de Macky Sall. Dans son boubou traditionnel de couleur violette, l’un des plus tenaces opposants de Macky Sall s’est, à cœur ouvert, confié à votre serviteur. Sans mettre de gants, Amadou Diarra pense qu’ « accepter la justice et le diktat de Macky Sall serait véritablement être fumiste et sans conviction ». Entretien…

Le Témoin : Le président de la République a reçu hier (dimanche dernier, ndlr) des mains du Président Chinois Xi Jinping les clefs de l’arène nationale qui se trouve dans votre espace géographique. Votre commentaire sur le déroulement de cette manifestation ?

Amadou Diarra : Merci de l’exactitude de votre question qui campe un peu et oriente les gens qui sont profanes et qui ne comprennent pas ce que sait une remise de clefs qu’ils ont confondu avec l’inauguration. Je crois que l’inauguration va intervenir dans quelques mois. Mais, en réalité, ici, c’est exactement une remise. Le président de la République du Sénégal a profité du séjour du Président Chinois pour procéder à la remise des clefs de l’arène nationale qui est une infrastructure de l’Etat Chinois qui l’a financé à hauteur de 28 milliards de francs Cfa. Mais, on soutient aussi que l’Etat du Sénégal aurait injecté 7 à 8 milliards de francs Cfa qui devraient servir à compléter d’autres activités liées au voyage, formation, peut-être, indemnités, études. Bref, on parle d’un coût global de 31 à 32 milliards. Je n’ai pas encore le document des travaux à ma disposition mais ça tournerait autour de ça. Maintenant, l’autre chose c’était un honneur de recevoir ici en banlieue notamment dans la commune de Pikine Nord où je suis le maire la première puissance économique mondiale. Le Président Chinois, ce n’est pas n’importe qui. Vous constaterez avec qu’il n’a pas fait 24 heures au Sénégal. Il est venu au Sénégal vers 14 heures la veille et est parti avant 14 heures le lendemain. Donc, cela prouve, pour un pays africain tel que le Sénégal, l’importance de l’hôte que nous avions. Sur le plan de la mobilisation, sachez que, moi, j’ai pas mobilisé. Simplement j’ai pas été impliqué dans cet accueil populaire hors de l’arène. Parce que je ne suis pas du parti du Président. Je ne suis pas de l’Apr. Je suis du Parti démocratique sénégalais. Je suis membre du comité directeur du parti de Me Abdoulaye Wade. Donc, politiquement, je n’avais aucun intérêt à sortir mes militants pour accueillir le Président. Mais, ce serait vraiment un gentleman agreement d’oublier les divergences et de l’accueillir avec nos propres militants comme on l’avait fait lors de la pose de la première pierre. Ce, en demandant aux populations de l’accueillir avec tous les honneurs. Et- de profiter de symbolisme là que représente les deux présidents de la République. Mais, malheureusement, le ministre, après l’avoir interpellé, m’a fait savoir qu’il ne gère pas cet aspect. Et que c’est l’appareil politique de l’Apr qui gère ça. N’étant pas de leur parti, je me suis abstenu de ne pas se mêler de ça. En revanche, j’ai mis en ceinturon mon écharpe de maire, ce, étant accompagné de quelques dignitaires de la commune et de quelques jeunes du Conseil communal de la jeunesse pour aller accueillir le président de la République à l’entrée.

Comme vous l’avez si bien constaté, la banlieue n’est pas sortie hier (dimanche, ndlr) pour accueillir le Président Macky et son hôte, Xi Jinping. Qu’est-ce qui, selon vous, explique ce « refus » des populations d’accueillir le Président ? Est-ce qu’il n’y a pas un désamour entre elles et lui ?
Je ne peux pas parler pour toute la banlieue. Mais, pour ma commune, j’ai constaté que les populations n’avaient pas goût à sortir le matin accueillir le président de la République. Maintenant, els responsables de l’Apr de Pikine Nord et d’autres localités de la banlieue notamment Guédiawaye et même le département de Dakar ont essayé en vain de mobiliser leurs militants. Y’a eu certes quelques militants ou citoyens qui ont été transportés au bord des Ndiaga Ndiaye, moyennant certainement quelques choses, pour les convaincre à venir. Il y a eu aussi certains qui se rivalisaient avec des banderoles mais derrière on constatait même que certains responsables de l’Apr se cachaient. Certainement parce qu’ils n’avaient pas sorti autant de monde que le Président attendait d’eux. Ils vont sans doute faire leur propre lecture de la situation.
A leur arrivé, nous avons vu le Président Macky, son épouse Marème Faye Sall et le Premier ministre Dionne vous serez la main et vous parlez avec le sourire aux lèvres. Vous a-t-il demandé de venir le rejoindre pour l’aider à obtenir un second mandat en 2019 ?
Le président de la République sait que nous, c’est-à-dire le Pds, gagnons à Pikine Nord. Cette commune est le fief du Parti démocratique sénégalais. Nous avons gagné les élections municipales aussi bien que toutes les élections successives notamment le référendum. Particulièrement le référendum où nous étions la seule commune à dire non sur les 16 communes du département de Pikine. Vu le parcours antécédent qui nous liait avec le Président Macky car lorsqu’il était président de l’Assemblée national j’étais député, ceci a certainement fait qu’il m’a taquiné en venant dans ma commune. Il ne sait pas empêcher de me taquiner parce qu’il sait bien que les responsables de son parti qui sont dans notre commune ne font pas le poids devant le Parti démocratique sénégalais. Je lui ai souhaité la bienvenue juste pour vous faire le récit de nos échanges. Après, il m’a dit que « Yangui may sani Kher » (Tu me jette des pierres, ndlr). Je lui rétorque c’est dans l’ordre normal des choses. C’est normal que dans une démocratie, il y’est des gens qui s’opposent et qui soient un contre-pouvoir. Là également, la Première dame m’a étonné. Ce, en racontant au président de la République ma sortie la veille. Elle m’a étonné parce que ce n’était pas évident que la Première dame écoute une radio comme Oxygène, qui est une radio de la banlieue en particulier de Pikine. Et je pense que c’est tout un honneur de la radio Oxygène d’être écoutée par la Première dame surtout au cours d’une émission qui se tenait en direct. Ce, jusqu’à pouvoir transmettre ma requête qui était de demander l’érection d’un poste de police, de vérifier les travaux d’assainissement pour que des risques d’inondations ne viennent pas fatiguer els populations après le retour des chinois. J’ai aussi demandé la restitution des terrains des Asc telles que Darou Khoudoss, Gouney Zinc, etc. J’ai aussi parlé de l’implication effective de la collectivité locale au-delà de la loi qui dit que 15% de chaque entrée reviendrait à la collectivité, la gestion, l’appropriation entre autres. Avec une loi de finances de moins de 200 millions, le ministre de l’Intérieur pourrait proposer dans le budget de l’Etat et les chinois avant de partir aideraient à aménager cet espace qui reste pour la construction d’un poste de police. Je l’ai dit au Président qui m’a demandé de voir avec le ministre des Sports. J’en profite pour dire que c’est une aberration parce que le maire que je suis, qui a reçu l’aval du Conseil municipal, a demandé une assiette des terres qui restaient après la construction de l’arène et est composé de tiphanes non maitrisables et qui pourraient servir à beaucoup de choses. Mais, depuis un an je constate que les services concentrés de l’Etat au niveau de Pikine ne suivent pas. Ils n’ont pas diligenté cela. Et- à côté, il y a le ministre de la jeunesse Pape Gorgui Ndong et maire de Pikine Ouest, qui est une commune frontalière à la mienne, qui a demandé l »’affection de ces terres. On lui a dépêché une commission pour voir la faisabilité de sa demande. Pour dire que la Patrie avant le parti n’a pas régné à ce niveau là. Je suis passé par la même procédure que le maire Pape Gorgui Ndong mais malheureusement rien n’a été fait pour moi. Alors que si nous avons demandé ces parcelles restantes, ce n’est pas pour l’ériger en maison mais pour des infrastructurelles de développement…
Mais, est-ce que le Président Macky Sall vous a ouvertement demandé de venir le rejoindre ?
Il m’a taquiné en me disant que tu résistes encore et à chaque fois que je gagne, tu gagnes aussi Je lui dis qu’en démocratie, il ne faut pas tout arracher. Il faut accepter quand même qu’il y’est des gens qui puissent dire non. Il me connait lui. Il connait mon ancrage au Président Abdoulaye Wade. Il connait mon ancrage au Pds. Il le dit souvent à ses proches. Ne vous fatiguez pas avec Diarra parce qu’il est scotché au Président Abdoulaye Wade. Et il a raison. Moi, je suis un Wadiste pur et dur. Maintenant, el Pds n’exploite pas ce rôle que nous devions jouer pour consolider notre leadership au-delà de Pikine Nord mais de tout le département de Pikine. Toutefois, sachez que je suis le lion du Pds dans le département de Pikine.
Parlons maintenant de l’actualité politico-judiciaire mais aussi social marqué notamment par l’affaire Karim Meissa Wade, Khalifa Ababacar Sall et la pénurie d’eau. Quel commentaire vous en faites ?

D’abord, vous imaginez qu’à chaque fois que l’Etat du Sénégal sort du pays est débouté. Parce que ces juridictions là disent le droit. Par contre au Sénégal, y a un président de la République super puissant, qui a pris un décret pour nommer des magistrats qui ont siégés à la Crei, ce, pour condamner Karim Wade et s’éteindre. C’est un triste constat. Ils ont fait du je m’en fous pour condamner Karim Wade. Malheureusement que la magistrature au Sénégal n’est pas indépendante. C’est différent que les magistrats ne sont pas indépendants. Ils peuvent être indépendants comme ceux qui sont à Monaco, à Paris ou à la Cedeao. Mais, y a certains magistrats qui ne veulent pas être indépendants comme l’avait si bien dit le Président Abdoulaye Wade. Alors, s’ils croisent ces genres de magistrats pour la nommer à la Cour Suprême, à la Cour d’Appel ou à la Crei mais l’opposition n’aura pas de chance. Il a même fait une réforme pour allonger l’âge de retraite de certains magistrats alors que des jeunes magistrats demandent de la place. Ca prouve simplement que ce n’est pas la Justice qui a été dite au Sénégal pour le cas de Karim Wade et de Khalifa Sall. Macky Sall fait du forcing parce qu’il ne veut pas avoir d’adversaire sérieux. Avec surtout le parrainage, il veut avoir des « Yawou Dial » lors de la présidentielle et gagner comme son fameux « Bakk » « Watiatia ». Mais, il sait bien qu’il ne peut pas gagner un Karim Wade au premier tour. En sus de lui, il y a les Malick Gakou, Idrissa Seck, Abdoul Mbaye et Hadjibou Soumaré. Toutes ces pointures, qui sont crédibles, ont défié sa politique. On nous parle de Sénégal émergence au moment où ne peut même pas se laver deux fois le jour au risque de ne pas boire. Alors, pour toutes ces raisons, des sénégalais se sont levés pour lui dire pendant que des magistrats fait le jeu du pouvoir en place. Et ces risques là, c’est le risque d’implosion, le risque d’éclatement, le risque de chaos d’une société qui sa justice serait clopin-clopant. Les sénégalais risqueraient de faire justice eux-mêmes. Si les institutions internationales ne bougent pas, le peuple sénégalais risque de bouger. Et le Sénégal n’a vécu cela ni avec Senghor, ni avec Abdou Diouf encore moins avec Abdoulaye Wade. Je crains si Macky Sall persiste dans cette voie et tente de frauder que le peuple descend dans la rue. Macky fait du banditisme d’Etat. Nous risquons de descendre dans la rue pour leur montrer que leur justice n’est pas la justice. Accepter leur justice et leur diktat serait véritablement être fumiste et être sans conviction. Nous devons être des Hommes de conscience, des Hommes déterminés à respecter la justice…
Propos recueillis par Bassirou DIENG avec LE TEMOIN