Aveux sous la torture non retenus à Guantanamo : une quinzaine de détenus pourraient être concernés

C’est une première dans l’histoire judiciaire de Guantanamo. Vendredi 18 août, un magistrat militaire de la prison américaine bâtie sur l’île de Cuba a décrété que les aveux de l’un des détenus, Abd al-Rahim al-Nashiri, avaient été obtenus sous la torture.

Ce Saoudien de 58 ans est soupçonné d’avoir commandité un attentat contre des soldats américains au Yémen en 2000. Pour la justice, ces déclarations ne peuvent pas être retenues comme charges contre l’accusé.

Le 12 octobre 2000, le destroyer américain USS Cole se ravitaille en carburant dans le port d’Aden au Yémen. Mais soudain un hors-bord chargé d’explosifs fonce sur le navire de guerre. La détonation perfore la coque, 17 marins américains sont tués, 39 autres blessés.

C’est là que le nom d’Al-Nashiri apparaît. « Il est poursuivi pour être le cerveau du bombardement de l’USS Cole, explique son avocat Anthony Natale. Il risque malheureusement la peine de mort s’il est condamné. »

Soupçonné d’avoir opéré pour l’organisation terroriste al-Qaïda, également responsable des attentats du 11 septembre 2001, Al-Nashiri est arrêté à Dubaï, deux ans après l’attaque.

Le saoudien est retenu entre plusieurs « sites noirs » du renseignement américain de la Pologne à la Thaïlande. Ces prisons secrètes pilotées par la CIA lui permettent de détenir des milliers de personnes en dehors du territoire américain et de tout cadre juridique.

Al-Nashiri atterrit ensuite à Guantanamo en 2006. Si la prison a été construite à Cuba, c’est aussi pour qu’elle soit régie par un système militaire, et non par la justice américaine. Un véritable périple carcéral : « Le FBI a interrogé mon client pendant trois jours, juste après qu’il ait été admis à Guantanamo , retrace son avocat, Anthony Natale. Il existe un rapport du Sénat américain qui décrit toutes les choses qui lui ont été faites.

Des simulacres de noyades, des abus physiques, la privation de sommeil. Une longue liste de choses qui ont duré quatre ans, de 2002 à 2006. Pour nous, le gouvernement ne pouvait pas utiliser les déclarations qu’a faites mon client à cette période. Le juge les a acceptés et a interdit au gouvernement d’utiliser les déclarations contre lui. »

Vendredi dernier, ce juge militaire, Lanny Acosta, a aussi reconnu que les aveux obtenus après 2006 ne pouvaient pas non plus être retenus comme charges. Ces déclarations découlent d’un état psychologique d’Al-Nashiri fragilisé à cause des traitements subis. L’accusé a été diagnostiqué dépressif et souffrant de stress post-traumatique.

Une lente avancée pour les droits des prisonniers
Les avocats d’autres prisonniers de Guantanamo espèrent que l’affaire Nashiri pourra ouvrir la porte à des décisions similaires. Alka Pradhan, l’avocate de l’un des cinq accusés des attentats du 11 septembre 2001 a félicité un jugement « déstabilisateur pour toute commission militaire » de Guantanamo.

Il n’y a jamais eu de procès des commanditaires du 11-Septembre et comme le rappelle l’avocate, la défense plaide depuis des années pour montrer que leurs clients ont aussi subi des actes de torture. Mais l’avocat d’Al-Nashiri, Antony Natale tempère : « Nos objections sont basées sur les faits de notre affaire uniquement.

Au sens strictement légal, cette conclusion ne concerne que mon client et ne peut s’appliquer dans aucun autre tribunal pour aucune autre affaire. Toutefois, c’est sûrement une déclaration que d’autres juges peuvent avoir en tête et à laquelle ils peuvent réfléchir. Mais ils ne sont en aucun cas tenus de suivre ce qui a été décidé pour nous. »

D’après Anthony Natale, au moins quinze personnes en attente de procès pourraient être concernées à Guantanamo. L’affaire Al-Nashiri, elle, n’est pas terminée: d’après son avocat, le gouvernement dispose d’encore beaucoup de preuves pour espérer faire condamner son client.

Dans l’odyssée judiciaire des attentats du 11 septembre 2001, les auditions des agents du FBI et de la CIA soupçonnés d’avoir torturé les principaux suspects des attaques devraient reprendre le mois prochain, à partir du 18 septembre.

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RFI avec Senegal7